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Diana Damrau et Jonas Kaufmann à la Philharmonie – Un Italianisches Liederbuch scénarisé
Hasard des calendriers, Diana Damrau et Jonas Kaufmann (photo), majestueusement accompagnés par Helmut Deutsch, étaient de passage à la Philharmonie le jour de la Saint-Valentin pour une soirée inscrite dans la saison des Grandes Voix. Une date toute trouvée pour des interprètes qui promènent l'Italienisches Liederbuch de Wolf dans une version étrangement scénarisée. Hormis le premier lied « Auch kleine Dinge » et l’ultime « Ich hab'in Penna », tous deux confiés à la soprano, l'ordre originel des morceaux a été entièrement revu – ce qui n'est pas un crime en soi, mais qu'en aurait pensé Wolf ?... – afin de permettre aux chanteurs de « jouer » différentes situations amoureuses.
Le couple se donne donc la réplique passant des premiers émois à la passion la plus vive, alternant d'inévitables phases de doute, de reproches voire de querelles, ou de moqueries pour finir sur la provocante énumération des amants que possède la jeune femme dans toute l'Italie. Ainsi réaménagé, le cycle censé être plus accessible n'en reste pas moins un recueil musicalement exigeant, que les minauderies de l'une et les facéties de l'autre ne parviennent que partiellement à alléger.
Surjouant l'agacement, la pudeur, l'impatience ou la coquetterie, Damrau, avec son ballet d'étoles aux couleurs changeantes, devient vite insupportable de cabotinage, Kaufmann habituellement plus subtil frôlant parfois le ridicule avec ses airs faussement complices et ses œillades appuyées alla Nemorino.
La musique de Wolf divinement sentie et interprétée par Helmut Deutsch, véritable magicien des sons et des atmosphères, permet heureusement d'oublier ces pantomimes et de revenir à l’essentiel.
Diana Damrau © Rebecca Fay
La voix pointue de Diana Damrau n'est pas des plus sensuelles, ni des plus onctueuses dans un répertoire qui demande une grande finesse d'expression et un éclairage musical de chaque instant. Elle tient à peu près son rang grâce à une diction nette et précise, à quelques phrasés de bon goût et à une ligne de chant maîtrisée soutenue par de belles réserves de souffle ; les amateurs de sous-texte et de lecture plus sophistiquée (comme autrefois Irmgard Seefried), ou plus intellectuelle (Schwarzkopf) resteront sur leur faim, notamment dans le très disharmonique « Wie lange schon », le corrosif « Du sagst mir dass ich keine Fürstin sei », ou le mélancolique « Ihr jungen Leute ».
Helmut Deutsch © Shirley Suarez
Dépouillé des artifices de la scène, Jonas Kaufmann en lieu et place de l'habituel baryton attendu dans ce cycle marqué par Dietrich Fischer-Dieskau, trouve en cours de récital ses marques et les codes propres aux grands récitalistes. Son instrument sombre et moelleux, sa belle gamme de nuances et un chant très intériorisé assurent à sa prestation vocale une dimension poétique qui fait défaut à sa partenaire. Très à l'aise avec ces histoires d'amour miniatures dépeintes dans cette anthologie de poèmes toscans et vénitiens, le ténor parvient à surprendre l'auditoire par son art de la couleur, de la demi-teinte et du pianissimo ; à ce titre son « Wenn du, mein Liebster steigst zum Himmel », laissé traditionnellement à la soprano, chanté sur un fil de voix était tout simplement envoûtant.
Déluge d'applaudissements, fleurs, cadeaux et, pour conclure cette soirée inégale, un unique bis, de Schumann cette fois : le duo « Unterm Fenster ».
François Lesueur
Paris, Philharmonie, 14 février 2018
Photo J. Kaufmann © Julian Hargreaves - Sony Classical
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