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Semiramide à l’Opéra de Saint-Etienne – Deshayes, rossinienne née – Compte-rendu
Vue à Nancy en mai 2017, cette Semiramide sans queue ni tête signée Nicola Raab n’avait guère convaincu, son statisme et sa batterie d’accessoires d’un autre âge ne faisant qu’accroître le caractère vain et convenu de l’entreprise. Karine Deshayes méritait mieux que cela pour ses débuts dans le rôle-titre ; décidément après la terrifiante Armida de l’an dernier à Monpellier(1), le sort semble s’acharner sur l’une de nos plus belles artistes. L’absence de directive scénique n’empêche heureusement pas la cantatrice de briller une fois de plus dans un répertoire qui correspond parfaitement à sa vocalité. Le timbre pulpeux, l’impeccable cantabile, la virtuosité et le style amplement maîtrisés font oublier la pauvreté visuelle, Karine Deshayes parvenant par la seule beauté de son interprétation à sauver la représentation de l’ennui.
© Cyrille Cauvet - Opéra de Rennes
Seule à connaître la grammaire rossinienne et à être en mesure de la restituer, avec l’aide du très bon chef italien Giuseppe Grazioli à la tête de l’Orchestre symphonique et du Chœur lyrique Saint-Etienne Loire, sensible à cette subtile partition, l’artiste, en digne héritière de la Colbran, prêche malheureusement dans le désert.
Avec sa voix trafiquée, bizarrement placée, ce timbre grave et cotonneux et cette technique précaire qui ne lui autorise aucune couleur et aucune liberté, l’Arsace de Aude Extrémo déçoit par sa monotonie. Certes aucun accident n’est à déplorer, mais la mezzo apparaît tellement figée et contrainte que l’on doute à chaque instant qu’elle prenne du plaisir à chanter dans une telle tessiture.
Daniele Antonangeli ne manque ni de style, ni d’élégance, mais la virtuosité d’Assur révélée par l’indétrônable Samuel Ramey, véritable basse colorature, dépasse pour le moment encore ses fragiles moyens, la jeune basse souffrant d’un réel déficit sonore.
Thomas Dear est un très honnête Oroe, Camille Tresmontant un correct Mitrane, le ténor Manuel Nuñez-Camelino ridicule dans son costume de Louis XIV étant incapable de se mesurer au second air d’Idreno « La speranza piu soave », le premier (« Ah dov’è, dov’è il cimento ») lui ayant été heureusement retiré.
François Lesueur
(1) www.concertclassic.com/article/armida-de-rossini-lopera-de-montpellier-etourdissante-vaillance-compte-rendu
Rossini : Semiramide – Saint-Etienne, Opéra, 6 mars 2018
Photo © Cyrille Cauvet - Opéra de Saint-Etienne
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