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La Création de Haydn au Festival de Verbier - Le Paradis retrouvé - Compte rendu
Quoi de mieux que La Création, l’oratorio que Haydn composa peu avant le tournant du siècle romantique, tout imprégné de la philosophie des Lumières et de sa foi en l’Homme mais aussi de son amour de l’esprit divin, dont on ne sait s’il souffle ici sur certains textes souvent naïfs qui inspirèrent le musicien – ceux puisés chez Milton, car n’osons pas juger La Genèse et les Psaumes, qui forment son autre base ! – mais surtout sur sa sublime partition, fabuleusement écrite pour tous les pupitres, à commencer par les bois, et de ce fait idéale pour affiner les sonorités d’un jeune orchestre : une leçon de choses musicale et philosophique, qui offre une étincelante galerie de motifs figuratifs, du vent à l’océan, de la baleine à l’oiseau.
Parfait donc pour le Verbier Festival Chamber Orchestra (le VFCO) qui, composé de jeunes musiciens plus talentueux les uns que les autres (une mention spéciale pour le merveilleux pupitre de flûtes) apprend là son métier en finesse et rigueur : dès les premiers accents du chaos, lorsque menu et léger, Gábor Takács-Nagy (photo) lève la baguette, on ressent une osmose parfaite entre l’esprit du compositeur et le psychisme de ce chef jubilatoire et raffiné, qui va ciseler le bijou musical en véritable orfèvre, détachant chaque intention descriptive avec une tendre fidélité à l’œuvre - ah la lourdeur drolatique de l’orchestre lorsque il est dit que le poids des animaux pèse sur la terre ! – Et tout au long, il saura se montrer analytique sans sécheresse, inspiré sans l’excès de romantisme qui dénaturerait l’œuvre, et maîtrisant les puissantes interventions du chœur, ici l’impeccable Rias Kammerchor.
© Nicolas Brodard
Portés par un tel rayonnement, les écrans permettant de surcroît de vivre le bonheur qui irradie le visage souriant de G. Takács-Nagy, les spectateurs n’ont plus qu’à se laisser charmer par cet album coloré, hymne radieux à l’Univers, en jouissant des moindres intentions du compositeur. Evidemment, le texte confié aux solistes, et notamment pour les célèbres duos d’Adam et Eve dans la troisième partie, donne à sourire par la touchante et démodée vision du couple dont il proclame l’harmonie, mais sa candeur émeut, d’autant qu’il est porté par les voix parfaites d’un quatuor d’exception, car on sait que les choix de Martin Engstroem, directeur du festival, sont marqués pare une connaissance profonde des œuvres et des chanteurs, et que son vaste fichier lui permet de pallier les défections inévitables !
Ainsi celle du grand Pavol Breslik, souffrant, qui s’est vu remplacer pour la partie d’Ariel, par le ténor suisse Bernard Richter : voix de cristal, limpidité de la diction, parfaite ligne de chant et immanence du son, comme s’il ne respirait jamais. Quelle école de chant ! Tout cela sans la moindre grimace des maxillaires. Vedette aussi de la soirée, la basse chaleureuse et la présence impressionnante, même en oratorio, d’Andreas Bauer, tandis que fidèle à lui-même, Peter Mattei, souverain et généreux, traçait d’Adam un portrait rayonnant. Trois voix d’hommes somptueuses face à la grâce un peu pointue de Miah Persson, techniquement irréprochable, mais avec un rien de métallique qui durcissait son timbre. Et ses duos avec Adam, pourtant soutenus avec l’attention la plus délicate par le chef, perdaient un peu de la douceur ineffable qui nimbe les échanges de ces deux voix amoureusement entrelacées.
Une soirée jubilatoire et fraîche, menée par un chef qu’on identifiait volontiers au « papa Haydn », d’autant que pour contrer la fureur céleste, laquelle se manifeste souvent à Verbier sous forme d’orages tambourinant sur la salle des Combins, un tout nouveau toit – sorte de prototype –, en résine perforée, double l'ancien. Un vrai bonus pour le déroulement de ce magnifique Festival, qui fête ici son quart de siècle.
Jacqueline Thuilleux
Festival de Verbier, Salle des Combins, le 21 juillet 2018 ; concerts jusqu’au 5 août : www.verbierfestival.com
Photo © Nicolas Brodard
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