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Amadigi de Haendel au Théâtre de l’Athénée – Modeste mais efficace – Compte-rendu
Pourquoi Amadigi n’est-il pas monté plus souvent ? Une action emplie d’enchantements et menée sans temps mort, des airs troublants et efficaces, un magnifique personnage de magicienne amoureuse ; il y a, dans ce dixième opéra de Haendel, les ingrédients qui permettraient de renouveler des programmations trop souvent vouées aux mêmes Alcina et Rinaldo.
L’œuvre s’inspire du roman chéri des Précieuses, Amadis de Gaule, de l’espagnol Garci Rodríguez de Montalvo. De cette œuvre fleuve parue en français à partir de 1540, Lully et Quinault tirèrent leur fastueuse tragédie lyrique (1684), un chef-d’œuvre que l’Opéra de Paris, pour fêter dignement ses 350 ans, aurait d’ailleurs pu se permettre de produire... La mouture haendélienne, créée en 1715 au King’s Theatre, doit cependant moins à Quinault qu’à Houdar de la Motte, lequel en 1699, écrivit un nouveau livret pour André Destouches, celui que choisirent Haendel et Haym.
© Michael Bunel
Programmer Amadigi s’avère un choix judicieux, tant cette œuvre d’un Haendel de trente ans, en pleine fougue créatrice, est séduisante. Jérôme Corréas l’a réduite à quatre protagonistes, le personnage d’Orgando ayant été éliminé d’une intrigue resserrée autour des scènes les plus fortes. Il est vrai que Jérome Corréas et ses Paladins n’ont pas les moyens financiers d’une grande maison… Que les puristes ne s’en alarment pas, cet Amadigi y gagne en efficacité. Les vidéos de Patrick Garbit, projetées sur trois écrans, pallient l’absence de décor. Bandes de couleurs, cendres fuligineuses, apparitions de formes spectrales, effets de glaciation ambiancent une scénographie que le metteur en scène Bernard Levy circonscrit à un terrain de graviers noirs, avec une chaise pour tout meuble. La coupe sobre des costumes de Nathalie Prats suggère un dix-huitième siècle diffus. Si l’interaction des personnages fait plus d’une fois songer à Robert Carsen, l’énergie déployée est suffisante pour proposer un spectacle sans indignité. L’ambition de faire bien avec peu ne méritait d’ailleurs pas les huées qui accueillirent le metteur en scène au soir de cette première parisienne.
© Michael Bunel
Elle offrait l’occasion de réentendre la soprano Amel Brahim-Djelloul, ces derniers temps bien trop éloignée des scènes. Celle qui fut, il y a douze ans déjà, une Suzanne virevoltante dans les Nozze montées à Nantes et Angers, possède toujours ce timbre d’argent et ce souffle admirable. Le personnage d’Oriana a, sous la plume de Haendel, des accents qui sont déjà ceux de Morgana, entre langueur et désarroi. Amel Brahim-Djelloul dispose des notes basses nécessaire au tragique de S’estinto e l’idol mio, sommet émotionnel de la partition. Dotée en outre d’un aigu solaire, on se prendrait à rêver d’Alcina pour Amel Brahim-Djelloul.
Dans Amadigi, la star se nomme Melissa. Magicienne et mégère, amoureuse et suicidaire, il y faut un fort tempérament. Le choix d’Aurélia Legay s’avère explosif bien qu’un peu décalé. Elle dispose en effet de capacités quasi verdiennes dans la puissance et la capacité imprécatoire. La chanteuse montrera parfois les accents d’Azucena, voire d’Elektra. Sans oublier l’humour : l’aplomb ironique dont fait preuve Aurélia Legay en affrontant la juste trompette de Guy Ferber durant le redoutable Destero dall’empia dita, à la fin du deuxième acte, est un des temps forts de la production. L’Amadigi de Sophie Pondjiclis s’avère la conséquence d’un remplacement in extremis, le contre-ténor Rodrigo Ferreira ayant dû annuler. Mangée par le trac, quêtant les attaques de l’orchestre, paniquant dans Vado, corro, il convient cependant de saluer cette prise de rôle d’une voix à l’opulence en devenir. Le trac gagnait aussi Séraphine Cotrez, véritable alto aux denses couleurs … à condition d’oser les projeter ! Son Dardano ne s’épanouit pleinement que lors de l’enjoué Tu mia speranza.
Le rendu sonore de l’orchestre des Paladins, aux pupitres sans reproche, souffre néanmoins des manques fréquents dans les interprétations de Haendel où la maigreur des pupitres de vents ternit la palette générale et laisse les cordes comme décharnées. Dommage pour la juste restitution d’un compositeur alors sous influence française et qui privilégiait des vents opulents comme ce fut déjà le cas, en 1713, avec Teseo. Ce qui n’empêche pas de saluer le beau jeu de Vincent Blanchard et de Guillaume Cuiller, pupitres de hautbois et de flûte au sein des Paladins.
Vincent Borel
Haendel : Amadigi – Paris, Athénée -, 25 janvier, prochaines représentations les 29 et 30 janvier 2019 // www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/amadigi.htm
Photo © Michael Bunel
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