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Evocation de Pauline Viardot par Magali Léger, Marie Vermeulin et Laure Urgin au Musée de la vie romantique – Rien n’est bon que d’aimer – Compte-rendu
Lauréate du Concours Olivier Messiaen en 2007, Marie Vermeulin (photo au centre) est beaucoup associée, et à juste titre, au répertoire du XXe siècle dans lequel elle excelle ; Scriabine, Harvey et Messiaen l’ont encore prouvé, en avril dernier, lors d’un splendide récital à la Scala-Paris. Que l’on se garde toutefois de la tentation, tellement française, de l’étiquetage : la pianiste fréquente avec bonheur aussi le répertoire romantique. A preuve le très beau Concerto op. 7 de Clara Schumann qu’elle a interprété il y a peu, sous la direction de Debora Waldman, avec l’Orchestre Victor Hugo Franche-Comté (1), ou encore le spectacle «Rien n’est bon que d’aimer », imaginé avec la soprano Magali Léger (photo à g.) et Laure Urgin (photo à dr.) en récitante.
Il s’agit ici d’évoquer celle que Tourgueniev désignait comme « la meilleure des femmes », Pauline Viardot (1821-1910), en mêlant musique et textes (correspondance de la célèbre chanteuse, extraits de presse, témoignages de contemporains, poèmes de Musset et Desbordes-Valmore, fragment de Consuelo de G. Sand). Née sous Louis XVIII, la même année que Baudelaire et Flaubert, Viardot s’est éteinte dans France du président Fallières, peu de temps avant que Jean Anouilh et Jean-Louis Barrault ne voient le jour ; personnalité majeure de la vie artistique du siècle romantique, elle en fut aussi un irremplaçable témoin.
Entre des mélodies de sa main (dont plusieurs sur des mazurkas de Chopin, d’autres originales, telle la lascive Sara la baigneuse sur des vers de Hugo), de Liszt (Enfant si j’étais roi), de Bellini (L’Abandonno, Ma rendi pur contento), des pièces pour piano seul de Schumann (deux des Scènes d’enfants), de Liszt (Au bord d’une source), la matière littéraire s’imbrique – se superpose par moments aussi, à la façon d’un mélodrame –, dite par Laure Urgin, pour tracer un émouvant portrait de Viardot. Evocation de sa famille (Manuel García, père sévère et aimé, la Malibran, disparue à 28 ans), de sa brillante carrière – « Madame García débute comme d’autres voudraient finir », a dit Musset ... –, son profond amour du public, sa passion de l’amitié – intransigeante passion : l’ingrat Gounod a pu s’en rendre compte ! On sourit, on est ému par quantité de souvenirs : Schumann et son « air de toujours vouloir éteindre une bougie invisible », Liszt « le colosse » ...
La mélodie Haï Luli (de Viardot, sur un poème de X. de Maistre) referme le programme, servie par une soprano attentive depuis le départ aux couleurs du clavier et à l’atmosphère intimiste, dénuée d'emphase, installée par la récitante, et lorsque, sur un passage du piano seul, Laure Urbin pose avec pudeur la nouvelle de la mort de la chanteuse dans sa 89ème année, on a la sensation d’avoir touché au plus près du caractère de celle dont un commentateur a dit : « elle laisse derrière elle une traînée lumineuse de gloire et de bonté. »
« Rien n’est bon que d’aimer » était donné au Musée de la vie romantique (2), une institution installée dans l’ancienne demeure du peintre Ary Scheffer, grand ami de la cantatrice. Autant dire dans un cadre on ne peut plus idoine ...
Alain Cochard
(2) le musée de la rue Chaptal est l'un des deux lieux (avec le Petit Palais) de l'exposition "Paris romantique, 1815-1845", qui se tient jusqu'au 15 septembre prochain :
www.petitpalais.paris.fr/expositions/paris-romantique-1815-1848
www.museevieromantique.paris.fr/fr/le-mus%C3%A9e-de-la-vie-romantique
Paris, Musée de la vie romantique, 13 juin 2019
Photo © concerclassic
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