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Núria Rial et Juan Sancho chantent Haendel au Festival Castell Peralada – Ô temps suspends ton vol ... – Compte-rendu
Ça aurait pu être un joli concert, presque anecdotique, perdu dans une abondante programmation et pourtant les heureux élus qui y ont assisté sont ressortis enthousiastes de l'église des Carmes. La personnalité des deux protagonistes, Núria Rial et Juan Sancho, le choix des œuvres et le thème retenu ont saisi l'auditoire, transporté par la musique de Haendel et par ses intercesseurs. Airs et duos d'opéras, d'oratorios ou de cantates, courtes pièces dansées et ouvertures, tout était réuni pour célébrer l'amour sous toutes ses formes, humaines ou divines. Le programme particulièrement réfléchi, en prévision d'un enregistrement (à paraître chez Sony), était donc une sorte de galop d'essai, quelques jours avant l'épreuve du studio fixée en Pologne.
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Avec sa voix lumineuse portée par une douceur séraphique, la soprano Núria Rial est l'interprète rêvée de ces pages haendeliennes : grâce évanescente d'Aminta (cantate Aminta e Fillide), brillante virtuosité du « Let the bright seraphim » extrait de Samson, plénitude céleste de L'Ode pour l'anniversaire de la Reine Anne, mais aussi la détresse dans laquelle est soudainement plongée la touchante Theodora dans son air « With darkness deep », multiplient les angles et les affects. La pureté des phrasées, la rondeur de la ligne et la suavité de la projection s'épanouissent évidemment avec le plus grand naturel dans le duo d'Hercules « O Prince whose virtues » et d'Ariodante « Dite spera e con contento », où le sentiment amoureux se libère dans l'alacrité générale. Le paroxysme du concert a cependant été atteint avec l'oratorio L'Allegro, il Penseroso ed il Moderato et le duo « As steal the morn upon the night », que l'on peut traduire par « Tout comme le jour naît discrètement de la nuit », d'une beauté solaire et mystique, apte à faire disparaître les vapeurs qui encombraient l'esprit.
Partenaire également inspiré, Juan Sancho est un ténor élégant dont le chant discipliné s'accorde à celui de Núria Rial, malgré une tendance à émettre les sons en arrière et à trop vouloir serrer les lèvres. Plus retenu et donc moins expressif dans un premier temps, le musicien parvient à s'imposer avec l'air de Judas Maccabaeus « With honour let desert be crown'd » puis surtout celui de Jephta « Waft her, angels, through the skies », chanté dans un anglais acéré et dont il souligne avec subtilité la complexité.
Accompagnés par les membres de la Capella Cracoviensis dirigés par Jan Tomasz Adamus, un esthète du répertoire baroque capable de donner vie et sens à la moindre pièce orchestrale - les mouvements de ballets d'Alcina et l'ouverture d'Il Pastor fido n'ont, sous sa battue, rien de frivole ou de décoratif –, les deux artistes ont donné le meilleur de leur art, reprenant en bis le merveilleux « As steal the morn upon the night », sublimé par le hautbois et le basson obligés.
François Lesueur
Festival Castell Peralada, 8 août 2019
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