Menée par le baryton Arnaud Marzorati, la sympathique clique des Lunaisiens explore inlassablement le répertoire de la chanson du XVIIème siècle à nos jours. Cette recherche tant musicale que visuelle est à l’origine de spectacles réunissant dans un même émerveillement des curieux de tous âges : souvent sollicités pour élargir les publics des lieux où ils sont en résidence (c’est le cas entre autres à La Cité de la Voix de Vézelay où, lors des dernières Rencontres Musicales, les Lunaisiens ont exploré le répertoire des danses du XIXe siècle), les musiciens ont décidé de réfléchir à un partage plus large du répertoire, avec un spectacle spécifiquement destiné aux plus jeunes. C’est ainsi qu’a vu le jour « L’Oreille à tiroirs », spectacle destiné aux 3-6 ans, qui sera créé le 27 septembre dans le cadre du 40e Festival d’Ambronay et fournira prétexte à une journée de réflexion sur le spectacle destiné au tout jeune public avec des professionnels de la petite enfance.

Les notes en scène
« Je me suis rendu compte que l’on manquait de véritables spectacles autour du répertoire classique conçus pour les très jeunes spectateurs », confie Arnaud Marzorati. « L’oreille à tiroirs » met en scène, une à une, les notes de musique, chacune avec ses caractéristiques propres : le do est rêveur alors que le mi, lui, est tiré à quatre épingles et plutôt maniaque et elles sont associées à des plaisirs simples, qui parlent aux plus jeunes, un jardin, un gâteau… Et lorsqu’elles se rencontrent, la musique prend forme.
 

Damien Schoëvaërt-Brossault © DR

Penser comme un enfant
Pour s’adresser à ce public novice, A. Marzorati a fait appel au génie de Damien Schoëvaërt-Brossault, qu’il définit comme « visionnaire, artisan, rêveur ». Depuis de nombreuses années, celui-ci invente des décors en 3D, façon pop-up, qui donnent du volume à des spectacles musicaux le plus souvent destinés aux enfants. La rencontre s’est faite à Royaumont où les Lunaisiens ont fait de multiples résidences. Le côté lunaire de ce scientifique-poète – biologiste de formation – ne pouvait que séduire les membres de l’ensemble. « Damien a cette capacité à penser comme un enfant et construit ses objets scéniques comme de petites découvertes ingénieuses », sourit Arnaud Marzorati.
Nourrie de l’imaginaire de D. Schoëvaert-Brossault, la création du spectacle s’est faite collectivement, avec la complicité du metteur en scène Olivier Prou, spécialisé dans le théâtre Jeune Public, et des musiciens, la chanteuse Harmonie Deschamps, la violoniste Anaelle Blanc-Verdin et l’accordéoniste Pierre Cussac.

Arnaud Marzorati © Clémence Dubois

Des dissonances ? Ils adorent ça !
Pour la couleur musicale, Arnaud Mazoratti s’avoue influencé par un Bartók ou encore un Britten : il aime jouer avec les sonorités, les harmonies, et pour lui « les accords qui frottent font du bien aux oreilles ; quant aux dissonances, les enfants adorent ça ! » La musique, écrite, est un assemblage de mélopées proches de la musique dite classique, construites avec très peu de notes (sur le do, il n’y a que des do) avec des sons très simples, jouant sur les rythmiques, se complexifiant peu à peu. Aux sons sont associées des notions de temps, d’espace, de narration, de sensorialité, le tout symbolisé par une oreille géante qui, comme une planète vierge, se déploie peu à peu au fil du spectacle.

« Cette expérience a plu à mes compagnons de musique qui ne sont pas spécialistes de l’enfance, poursuit Arnaud le passionné. Cela nous permet de réfléchir en tant que musiciens à la façon d’écrire avec une, deux, trois notes ». Cela permet également à l’équipe une réflexion sur la logique économique d’un tel spectacle, ainsi que sur les conditions de sa réalisation : questions de lieu, de jauge, de durée et, par voie de conséquence, de cachets ...
Ces sujets seront d’ailleurs au cœur de la rencontre organisée par le 40e Festival d’Ambronay, au cours de laquelle Arnaud Marzoratti espère décomplexer les adultes, en redéfinissant les codes du concert pour enfants, en incitant les enseignants à s’autoriser la musique, le chant même, en réaffirmant que nous avons tous une culture musicale en nous, et qu’elle habite le monde de nos oreilles.
Notez enfin que Les Lunaisiens profiteront de leur présence à Ambronay pour reprendre leurs « Ballades de Monsieur Brassens », objet d’un remarquable disque sorti chez Muso à la fin de l’année dernière.(1)

Domique Boutel

(1) Les Ballades de Monsieurs Brassens / le 28 septembre (à 21h, Chapiteau) / festival.ambronay.org/2019/Representation-639/LES-BALLADES-DE-MONSIEUR-BRASSENS.html

« L’Oreille à tiroirs »  40ème Festival Ambronay (dans le cadre de la Journée Do-Ré-Mi)
27 septembre 2019 - Représentations à 10h30 et 15h30 (sous le chapiteau)
actionculturelle.ambronay.org/Actualites/Journee-Do-Re-Mi-vendredi-27-septembre-2019-au-CCR-i3472.html

Photo © Les Lunaisiens