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​Eva Zaïcik et Les Ombres au Festival d’Ambronay 2020 - Baptiste serviteur de deux maîtres – Compte-rendu

Pour cette « Nuit au Louvre », « récital à la bougie » présenté deux fois (18h et 21h) à l’Abbatiale d’Ambronay au cours du week-end de clôture du Festival 2020, Margaux Blanchard, Sylvain Sartre et la mezzo-soprano Eva Zaïcik (photo) ont concocté un parcours où la figure de Lully, placée au centre du programme, peut faire figure de pivot permettant de basculer d’un univers à l’autre. En effet, la première partie est placée sous le signe de l’air de cour et de la musique française, principalement de la deuxième moitié du XVIIe siècle, alors que la seconde est tout entière tournée vers l’Italie, notamment avec un bouquet final d’extraits d’opéras de Cavalli.
 

Eva Zaïcik, Sylvain Sartre et Margaux Blanchard © Bertrand Pichène

On sait que Lully dut « collaborer » avec Cavalli, lorsqu’il lui fut demandé de composer des danses pour Xerse et pour Ercole amante. Par ailleurs, une fois à la cour de Louis XIV, l’Italien épousa bientôt la fille de Michel Lambert et francisa son style en même temps que son nom pour donner naissance à la tragédie lyrique. L’air de Lully qu’on entend ici ne vient pas d’un opéra, mais de la Psyché qu’il conçut avec Thomas Corneille, et il est intéressant que l’intervention d’ « une femme affligée » se fasse en italien alors que le reste de l’œuvre est en français. Affliction qu’Eva Zaïcik interprète avec beaucoup de retenue et de pudeur, comme il convient, mais dont l’expression se charge d’ornements typiques de l’autre côté des Alpes.
Auparavant, la mezzo chante quatre airs de cour : les deux exemples les plus connus de ce genre, « Ombre de mon amant » et « Vos mépris chaque jour », de Michel Lambert, ainsi que « Laissez durer la nuit » et « On n’entend rien dans ce bocage » de l’un peu moins connu Sébastien Le Camus, né en 1610 comme Lambert. Dans ces pièces où une volupté discrète s’entrelace à la plainte, on entend tout ce dont Lully a pu s’inspirer pour un air comme « Espoir si cher et si doux » dans Atys, et l’on songe qu’Eva Zaïcik ferait une fort belle Cybèle, où brilleraient ses qualités de diction et la fermeté de son chant.

Margaux Blanchard © Bertrand Pichène

Entre ces airs, Les Ombres donnent à entendre quelques pages instrumentales, un prélude de Boismortier pour flûte et viole de gambe, notamment. Passant de la nuit invoquée par Le Camus à tous les matins du monde, Margaux Blanchard interprète la Suite en sol majeur de Sainte-Colombe, où la rejoint le théorbiste Miguel Henry. Dans la deuxième partie du concert, la Sinfonia n° 1 en ré mineur de Stradella permet au violoniste Louis Creac’h de donner libre cours à sa virtuosité, soutenu par Brice Sailly aux claviers.

Cavalli pour conclure, avec d’abord deux airs tirés d’Erismena, grand succès au festival d’Aix-en-Provence en 2017, puis un autre d’Ercole amante, récemment vu à l’Opéra Comique. Eva Zaïcik y trouve l’occasion de traduire des sentiments bien plus exacerbés que dans les airs de cour (Ippolita envisageant le suicide dans Erismena, par exemple), et de montrer d’autres couleurs de sa palette vocale.
Chaleureusement applaudis, les artistes accorderont un bis, également de Cavalli, mais tiré de l’Egisto, le virevoltant « Amanti, se credete ». Enregistré par France Musique, ce concert sera diffusé le 20 octobre à 20h (1).
 
Laurent Bury

(1) www.francemusique.fr/emissions/le-concert-de-20h/baroque-francais-a-ambronay-avec-la-mezzo-eva-zaicik-et-les-ensembles-les-ombres-et-les-surprises-87914

Ambronay, Abbatiale, 2 octobre 2020 (21h). 
 
Photo © Bertrand Pichène

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