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Les Puritains en version de concert à l’Opéra de Rome (Streaming) – Bellini superstar – Compte-rendu
Touché comme tant d’autres en Europe, l’Opéra de Rome vient de mettre en ligne sa toute dernière version de concert des Puritains de Bellini. Seule alternative possible en cette période de crise sanitaire, la captation en direct, accessible par la suite à partir du site de l’établissement, a le mérite d’être conçue comme un événement, ce qui nous vaut de brillantes productions confiées à des distributions de haut vol. La direction de l’Opera de Rome n’a ainsi pas lésiné en faisant appel à Jessica Pratt (photo), Lawrence Brownlee, Franco Vassallo, Nicola Ulivieri et au chef Roberto Abbado. Certes le Teatro Costanzi et ses rangées de sièges vides font peine à voir, mais c’est à ce prix que la musique peut retentir dans ces temples pour elle consacrés.
Habituée à ce répertoire et aux héroïnes belliniennes à la dérive, tantôt ivres d’amour, tantôt brisées par ce dernier, à ces victimes pathétiques et sublimes qui sombrent dans la folie, ou sont assassinées, Jessica Pratt chante ici la douce Elvira. Sanglée dans une robe peu seyante et noyée sous un torrent d’anglaises, la soprano britannique met du temps à se chauffer et de son entrée jusqu’au concertato final du 1er acte laisse apparaître une voix privée de transparence, un timbre mat et des vocalises plutôt rétives. La cantatrice retrouve cependant la pleine assurance de ses moyens à partir de la cantilène « O Rendetemi la speme » aux accents suaves et douloureux, à la ligne raffinée, les ornementations de la cabalette « Vien diletto » et la vigueur de l’aigu couronnant superbement cette page marquante du bel canto romantique.
La présence à ses côtés de Lawrence Brownlee est un second motif de satisfaction ; particulièrement en voix, le ténor américain est actuellement avec Javier Camarena le meilleur titulaire du rôle d’Arturo. Dès son arrivée celui-ci dispense un ton, un style et une pate vocale absolument remarquables, qualités qui se confirment et ne font que s’accentuer au cours du 3ème acte où le chanteur donne toute la puissance de son art. Le raffinement de son phrasé, l’éclat de ses aigus jusqu’au fameux contre-fa tenu et non émis en voix de tête et l’aisance de son chant semblant ne jamais s’arrêter, ce qui nous vaut un « Vieni fra queste braccia » étourdissant.
Un bonheur n’arrivant jamais seul, Franco Vassallo et Nicola Ulivieri sont magnifiquement distribués dans des rôles taillés sur mesure, leurs voix de baryton et de basse nuancées et racées apportant à leur affrontement une touche d’élégance rarement atteinte. Enfin Roberto Lorenzi est un superbe Gualtiero entouré par Rodrigo Ortiz et Irene Savignano, fugaces Bruno Roberton et Enrichetta di Francia. Pratiquement complète, la partition confiée à Roberto Abbado brille de tous ses feux, le maestro dirigeant d’une main alerte les forces de l’orchestre du théâtre romain, tandis que la souplesse et la fermeté de son commentaire musical confère à l’ensemble sa puissance et sa beauté.
François Lesueur
Photo © DR
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