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La Passion selon Saint Jean mise en scène par Calixto Bieito au Châtelet (Streaming à partir du 4 juin) - Tableau de souffrances - Compte-rendu

Sans décor et sans autres costumes que les tenues de ville propres aux participants sous de rares éclairages parcimonieux, Calixto Bieito réussit à donner corps et présence à la Passion selon Saint Jean. Et quelle présence ! Les scènes de cette Passion tirée de l’Évangile de Jean et transcendée par Bach d’après l’usage luthérien, se succèdent comme autant de séquences (ou de stations) d’une foudroyante animation.
Le martyre du Christ s’expose ainsi par un jeu incessant de va-et-vient qui confronte solistes et foule du chœur comme autant d’oppositions brutales. Les gestes confinent à l’agression avec dévêtements, maculages de peinture rouge sang, poignées de terre, amoncellements de cailloux, cordage suspendu ou aux fins de ligoter, corps étendus, dans une démence de mouvements impeccablement réglés sans un instant de répit. Ou la traduction des souffrances christiques à travers la manière forte d’évocation théâtrale dont le metteur en scène espagnol a le secret et le talent.
 
Benjamin Appl (Jésus)  © Théâtre du Châtelet / Thomas Amouroux

La production avait été créée en 2018 au Teatro Arriaga de Bilbao, dont Bieito est le directeur. Sa reprise  était prévue au Châtelet fin juin 2019 avec les Talens Lyriques et Christophe Rousset, mais avait été reportée. Avec la présente reprise (par les soins de Lucía Astigarraga) dans ce théâtre, deux ans plus tard, devant une assistance restreinte mais captée par François Roussillon pour une diffusion à partir du 4 juin, Rousset a délaissé sa baguette face à ses Talens Lyrique au profit de Philippe Pierlot. Pour le meilleur, serions-nous tenté de croire, tant le petit bâton directif du chef baroqueux belge s’avère méticuleux (avec maints arrêts destinés à mieux reprendre certains passages dans ce cadre sans public), en sus de vertus tout aussi prenantes de violiste soliste.
 

Benjamin Appl & Lenneke Ruiten © Théâtre du Châtelet / Thomas Amouroux

A la hauteur de l'enjeu, le plateau vocal rassemble les noms reconnus et efficients du ténor Joshua Ellicott (l’Évangéliste, photo), de la basse Benjamin Appl (Jésus), du contre-ténor Carlos Mena, du ténor Robert Murray, de la basse Andreas Wolf (Pilate). Seule la soprano Lenneke Ruiten dépare quelque peu de sa voix à l’épanchement limité, en raison peut-être des contraintes de la captation filmée mais aussi de son jeu scénique sans cesse soumis à divers outrages et aléas. Le Chœur de Paris, ses 40 intégrants tous amateurs et tous masqués, réagit impétueusement et en situation dans ses successifs chorals, bien préparé qu’il a été par Till Aly, devant les instruments acérés des Talens Lyriques. Retransmission à ne pas manquer !
 
Pierre-René Serna

Bach, Passion selon Saint Jean – Paris, Théâtre du Châtelet, 11 mai 2021. Disponible sur OperaVision à partir du 4 juin pour une durée de 6 mois / operavision.eu/fr/bibliotheque/spectacles/operas/la-passion-selon-saint-jean-theatre-du-chatelet
 
Photo © Thomas Amouroux
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