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Pelléas et Mélisande de Maeterlinck à l’Athénée - Tout Allemonde lointain – Compte-rendu
Dans un décor en forme de piscine vide surmontée de rideaux de douche, mais percé de trappes et offrant plusieurs niveaux de jeu, le spectacle parvient malgré tout à instaurer l’étrangeté souhaitée, grâce à des éclairages qui suffisent à créer une forêt ou une grotte bleue, sans parler des effets stroboscopiques habilement exploités. Les costumes aussi surprennent, d’autant qu’ils renforcent un parti pris qui va à l’encontre de ce à quoi Debussy nous a habitués : représentants du patriarcat triomphant, Golaud et Arkel sont ici des figures parfaitement ridicules, êtres ventripotents et bestiaux. Kiyan Khoshoie est un vieux roi d’Allemonde qui danse, déclame, ricane, chante et joue, prestation étonnante et à cent lieues de l’habituel sage un peu pontifiant ; Charlotte Dumatheray compose un Golaud d’abord presque caricatural dans sa beaufitude, terrifiant ensuite. Yniold délicieusement puéril, puis médecin, Aurélien Patouillard surmonte les écueils de son rôle d’enfant. Geneviève étant réduite à une voix off, le danseur et les deux acteurs ont pour partenaires deux chanteurs lyriques : Vincent Casagrande, qui prête à Pelléas la candeur attendue, mais dont on ne découvre véritablement le timbre que durant la citation debussyste évoquée plus haut, et surtout Sarah Defrise, stupéfiante Cunégonde de Candide à Liège, dont la voix se plie ici avec virtuosité à une oscillation constante entre le chuchotement et le chant, en passant par le sprechgesang, tout en cultivant son personnage ambigu. Loin des visions trop réalistes qui ont souvent prévalu ces dernières années sur les scènes d’opéra, Maeterlinck retrouve enfin son mystère.
Laurent Bury
Photo © Magali
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