Journal
La Sonnambula au Théâtre des Champs-Elysées – Amina chez les Helvètes – Compte-rendu
Soyons honnêtes : nous n’attendions pas grand chose de cette Sonnambula confiée à l’ex ténor Rolando Villazon, contraint après avoir perdu sa voix de trouver refuge à la radio, à la télé, à la direction artistique de certains festivals et sur les plateaux de théâtre …
Par la naïveté de son intrigue située dans un décor de carton-pâte (la montagne helvète) et son écriture un brin désuète, l’opéra de Bellini peut facilement frôler le ridicule et tenter de faire dire autre chose à cette histoire de jeune orpheline accusée de trahison pour avoir été retrouvée dans la chambre d’un inconnu la veille de ses noces (c’est elle la somnambule pardi !) n’est pas sans risque. Rolando Villazón n’a malheureusement qu’une idée : faire vivre à Amina, sans doute de passage en Suisse dans un établissement médical pour calmer sa folie ou son surmenage ?... un rêve impossible, celui de son mariage avec un bon parti alors que celle-ci s’apprête à quitter les lieux avec sa mère, ce qui nous est montré à la toute fin de l’ouvrage. Autant dire que ce postulat est mince et ne tient pas longtemps la route, même si le départ inattendu de la jeune fille en a surpris plus d’un dans la salle ...
Dans un décor quasi unique d’auberge, caractérisé par de nombreuses portes, posé sur un plateau entouré de monts enneigés aux allures d’arène, villageois et futur couple évoluent, rejoints par trois sylphides censées signifier l’état mental inconscient de l’héroïne. Réfugiée dans une gestuelle limitée à quelques rondes enfantines, quelques sauts de cabris et pas de danses des plus basiques, Pretty Yende est bien seule en scène, réduite à sourire niaisement ou à singer une lointaine « mélodie du bonheur ». Son Amina/Heidi aurait pu être transcendée par une incarnation vocale digne de ce nom, mais la cantatrice est à la peine dans cette tessiture faussement virtuose qui demande un medium corsé « Ah vorrei trovare parole, a spiegar come io t’adoro », une coloration, une déclamation et un style qu’elle n’a pas. La ligne du « Come per me sereno » est bien pâle, les vocalises du « Sovra il sen la man mi posa » bien scolaires et l’indispensable canto spianato du « Ah non credea mirarti » tout simplement absent. Comment ne pas penser à la performance de June Anderson ici même en 1989 ...
Obéissant, Francesco Demuro répond sans doute aux indications du « metteur en scène » qui fait d’Elvino un jeune héritier coincé qui ne déroge ni aux règles ni aux convenances face à cette aimable gourde. Mais le ténor italien laisse échapper un timbre si sec et si étranglé dans l’aigu que son interprétation en est disqualifiée. Autour de ce couple aux élans contrastés vient s’agréger la caricaturale Lisa de Sandra Hamaoui dotée d’un instrument dur et acide, son prétendant Alessio campé avec assurance par Marco Scoffoni, le comte séducteur de Alexander Tsymbalyuk, et la convaincante Teresa, mère d’Amina, défendue par Annunziata Vestri.
Dans une fosse logée pour l’occasion à la place des premiers rangs du parterre, les instrumentistes de l’Orchestre de chambre de Paris répondent sans passion aux directives du chef Riccardo Frizza, peu inspiré par la cantilène bellinienne et qui ne parvient à trouver l’équilibre d’une partition aux contours délicats.
François Lesueur
Photo © Vincent Pontet
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