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Les Berliner Philharmoniker et Kirill Petrenko à la Philharmonie de Paris – Le plein d’énergie – Compte-rendu
Public fébrile, impatient, pour cette venue de l’Orchestre star et de son nouveau guide, l’étonnant Kirill Petrenko, dont la direction à l’Opéra de Munich avait laissé des souvenirs inoubliables, avant que les Philharmoniker ne jettent leur dévolu sur lui, après de longs jours où le monde de la musique attendait la montée de la fumée, comme au Vatican. L’ère Rattle se terminait, avec sa subtilité lumineuse et son charme effervescent, et un autre style, encore plus volontaire, allait marquer la légendaire phalange, qui semble soudée à son nouveau chef, à l’incontestable charisme. On l’espère pour longtemps car les Philharmoniker, imprégnés de leur évidente supériorité, sont gens parfois ombrageux !
On a donc retrouvé avec bonheur les sonorités glorieuses, les cordes frémissantes de cet orchestre unique sous Karajan, fabuleusement expressif sous Abbado et qui a aujourd’hui encore ses doigts d’or, même si son identité se perd légèrement au fil du temps, avec la mondialisation. Quant à la direction de Kirill Petrenko, qui avait choisi un programme étrange pour attaquer sa venue parisienne, on est stupéfait par l’énergie incroyable dégagée par ce petit homme souriant, très peu médiatisé car il souhaite se concentrer sur son activité, et qui passe de pianissimi sublimes, à une énergie presque violente, exacerbée.
© Stefan Rabold
Délicieuse Ouverture d’Oberon de Weber pour mise en bouche, virevoltante, étincelante, puis, pour l’étoffer, mais avec une pointe d’ennui, les Métamorphoses symphoniques sur des thèmes de Carl Maria von Weber, variations conçues par Hindemith pendant la Seconde Guerre mondiale, autour du thème de Weber lancé comme un oriflamme par le chef en ouverture de programme. Sans porter atteinte au talent de Hindemith, compositeur marquant dans les années 20 mais vite dépassé, et dont le style paraît vidé aujourd’hui, même si ces variations témoignent d’une extrême habileté d’écriture, on se dit que ces pièces, imposées avec conviction par Petrenko, témoignent surtout d’un désir de curiosité musicale, destiné aux spécialistes.
Puis vint la 9e Symphonie de Schubert, « La Grande », pour laquelle tout le monde était venu : œuvre étrange, de la dernière année du compositeur, et où on ne retrouve pas la douloureuse ou fluide mélodicité du Schubert popularisé par sa musique de chambre et ses lieder, ou même par sa 8e Symphonie, la déchirante « Inachevée ». Et c’est à Mendelssohn, infatigable défenseur du patrimoine musical, qu’on dut sa résurrection en 1839, au Gewandhaus de Leipzig. Volontaire, irrésistiblement dynamique, plutôt joyeuse, elle ne développe cependant pas l’axe constructif des Symphonies de Beethoven. Mais c’est dans cette direction que l’a déployée Petrenko, à coup de points de dentelle par moments, mais surtout de grandes brassées impérieuses, avec des appels qui faisaient sursauter par leur violence. Si Sir Simon Rattle en avait fait ressortir les côtés prébrahmsiens, qui lui donnaient de la poésie, Petrenko lui imprime des allures de marche militaire. Il en a les moyens et son orchestre aussi. Et on a le droit d’être dérouté par ce Schubert tranchant.
Jacqueline Thuilleux
Philharmonie de Paris, les 4 et 5 septembre 2021
Photo © Stefan Rabold
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