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Partenope de Haendel à la Cité de la musique – Serio rigolo – Compte-rendu
Rigolote donc, la mise en espace réglée par Sophie Daneman : la bataille entre les troupes de Partenope et celles de son attaquant Emilio devient ici un concours où chaque camp s’efforce de soulever un énorme dé, et où le perdant aura les mains ligotées et sera condamné à s’asseoir sur une chaise très basse. Difficile de prendre au sérieux l’affrontement entre les personnages, où il est pourtant question de trahison amoureuse et de serments bafoués. Tous ces jeunes gens n’ont d’abord d’yeux que pour la reine, mais Rosmira travestie en Eurimene finira bien sûr par reconquérir son inconstant Arsace, et Partenope se consolera dans les bras d’Armindo qui soupire à ses pieds depuis longtemps.
Nettement moins rigolote, la direction de William Christie, extrêmement sage, elle, et l’on aimerait parfois plus de fougue de la part de l’orchestre. Bien que réduits pour l’occasion à vingt-quatre instrumentistes, les Arts Florissants s’avèrent toutefois souvent plus sonores que les chanteurs : la salle des concerts de la Cité de la musique semble faire office de piège à voix, surtout lorsque les solistes se déplacent vers le fond du plateau, chantent le visage tourné sur le côté ou en tournant le dos au public. Problème d’acoustique, mais aussi de projection, car certains surmontent cette difficulté bien mieux que d’autres.
Les lauréats de la dixième édition du Jardin des Voix semblent beaucoup s’amuser, eux aussi, à raconter cette histoire. On peut néanmoins s’interroger sur le bien-fondé de confier à de jeunes artistes une partition jadis conçue à l’intention de gosiers prestigieux et expérimentés. Ainsi, dans le rôle-titre, Ana Vieira Leite possède la virtuosité nécessaire, mais a-t-elle vraiment l’étoffe de la reine de Naples ? Son premier air, « L’amor ed il destin », passe à peu près inaperçu, car la voix manque de l’ampleur et de l’autorité dont on rêverait ici. La mezzo Helen Charlston n’est pas non plus dépourvue de qualités, tant s’en faut, mais on aimerait une Rosmira plus douloureuse parfois, moins désinvolte dans son entreprise de reconquête amoureuse. Le baryton Matthieu Walendzik n’a qu’un air à défendre, le capitaine des gardes Ormonte jouant le plus souvent les utilités. Emilio, prétendant malheureux auquel aucun lot de consolation n’est offert à la fin, trouve en Jacob Lawrence un interprète engagé, et le ténor australien montre notamment une belle maîtrise de la vélocité. Deux contre-ténors complètent la distribution. Pour notre époque soucieuse de crédibilité scénique, c’est un homme qui tient le rôle d’Armindo, créé en 1730 par une mezzo : s’il n’évite pas toujours quelques nasalités, Alberto Miguélez Rouco n’en campe pas moins un touchant soupirant. Succédant au castrat Bernacchi, Hugh Cutting est peut-être le plus à l’aise des six chanteurs, combinant dans le rôle du charmant traître Arsace implication dramatique, timbre enveloppant et puissance vocale.
La tournée de cette Partenope créée à Thiré en août ne fait que commencer : entre deux escales en Espagne et en Angleterre, elle reviendra en France, à Angers dès ce mois d’octobre, à Versailles en janvier 2002 et à Nantes en avril.
Laurent Bury
Haendel : Partenope – Paris, Cité de la musique (salle des concerts), 30 septembre 2021 ; prochaines représentations les 17 octobre 2021 (Angers), 28 janvier 2022 (Versailles), 26 et 27 avril 2022
www.chateauversailles-spectacles.fr/programmation/haendel-partenope_e2477
www.angers-nantes-opera.com/la-programmation-2022/partenope
Photo © Attila Nagy – Müpa Budapest
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