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Trois questions à Olivier Latry, organiste de Notre-Dame de Paris - « Je sais que l’orgue va reparler un jour. Ça me permet de tenir

 

Olivier Latry a donné le 5 décembre un récital exceptionnel à la salle Gaveau, avec un programme Bach, Liszt et Widor, dans le cadre du festival organisé par le label La Dolce Volta. Un défi technique et artistique de taille pour l’artiste, qui a réussi à se jouer d’une acoustique peu favorable et a utilisé un instrument très particulier et un peu capricieux : un orgue « Gulliver » à tuyaux modulaire, assisté par ordinateur. Rien à voir avec celui de Notre-Dame de Paris (près de 8.000 tuyaux, 115 jeux, 5 claviers et pédalier), dont Olivier Latry est l’un des cotitulaires (1) depuis 1985.
Quelques jours avant son concert à Gaveau, nous avons rencontré Olivier Latry : une occasion de lui demander des nouvelles de l’instrument de Notre-Dame, véritable miraculé de l’incendie du 15 avril 2019.

 

Où en est-on de la restauration du grand orgue de Notre-Dame de Paris ?
Après la dépose de l’instrument et son stockage dans un lieu tenu secret au nord de Paris, un appel d’offre a été lancé pour la restauration. Trois facteurs ont été retenus : l'Atelier Quoirin, l'Atelier Cattiaux et Chevron et la Manufacture Languedocienne de Grandes Orgues. Chaque entreprise a pris en charge une partie de l'instrument et tous se sont mis au travail en août.
 
A la Philharmonie de Paris © William Beaucardet

Quelle est l’étendue des travaux à réaliser ?
D’abord, il faut dire – et c’est très important – que l’orgue n’a subi aucun dommage pendant l’incendie. Il y a eu un peu d’eau dans quelques tuyaux de pédale. C’est tout ! Le problème de la poussière de plomb se pose évidemment : c’est un chantier énorme et un travail minutieux qui exige trois techniques différentes selon les types de matériel. Pour le bois, le plomb restant imprégné dans les fibres, il faut vernir ou peindre toutes les surfaces. C’est la seule solution. Pour le métal, il faut laver tous les tuyaux. Les facteurs d’orgue savent faire ça très bien.  Enfin, en ce qui concerne les peaux de mouton (utilisés comme joints d’étanchéité ndlr), il faut toutes les changer. Après tout ce travail, il restera à réinstaller l’instrument à Notre-Dame ; il faudra ensuite accorder et harmoniser tous les tuyaux. L’opération doit durer six mois. Tout doit être terminé pour la réouverture de la cathédrale en 2024.

Vous êtes impatient de rejouer cet instrument ?
Pour l’instant, je vis avec mes souvenirs et j’en ai tellement avec l’orgue de Notre-Dame. On a fait tellement de choses ensemble. J’y étais jour et nuit, pour le travail, pour les concerts, pour les offices… Cela représente plus de trente ans de ma vie. En plus je sais que l’orgue va reparler un jour. Ça me permet de tenir.
 
Propos recueillis par Thierry Geffrotin le 1er décembre 2021

(1) Les deux autres cotitulaires sont Philippe Lefebvre et Vincent Dubois.
 
Photo © Deyan Parouchev
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