On avait tout tenté : les nombreuses piqûres, les déclarations numériques sur l’honneur, le goupillon nasal, le passage au lance-flamme, mais hélas, la perspective inquiétante de quelques jours de quarantaine, même dans le palais de la Belle au bois dormant, nous a bloqué l’accès à ce spectacle qui promettait d’être superbe. Et qui le fut, d’après les nombreux échos enthousiastes parvenus depuis la cité hanséatique. On connaissait une première Belle au Bois Dormant, l’une des plus grandes réalisations de John Neumeier, en 1978, qui mariait à la fois somptuosité du cadre et finesse de la vision, puisque que le prince était au début un jeune homme somnolant sur un banc devant un château, et rêvant…
 

© Kiran West 

On n’aura donc pas vu le nouveau réveil de la délicieuse héroïne, qui se pique à la rose de l’amour le jour de ses seize ans et s’endort sous le choc. Triomphe donc,  pour cette vision rafraîchie, modernisée, qui montre l’aptitude de Neumeier à marier un regard demeuré juvénile à sa profondeur d’approche et à sa maturité si féconde. Triomphe surtout pour le magnifique Alexandr Trusch, le héros, au charme dévastateur et aux sauts-seconde impressionnants. Sans parler de la fine Ida Praetorius, sa belle endormie. Triomphe pour la divine Hélène Bouchet, de Fée Lilas devenue Rose, qui quitte la compagnie ce mois. Et triomphe enfin pour Jürgen Rose, dispendieux mais incomparable compagnon des folies visuelles de Neumeier depuis toujours : il a signé ici des tableaux enchanteurs, notamment pour la forêt magique. A eux deux, ils doivent avoisiner les 165 ans mais leur talent, lui, est trempé dans un bain de jouvence. On regrette de n’avoir pas pu en récupérer une goutte salvatrice …
 
Jacqueline Thuilleux

Tchaïkovsky : La Belle au bois dormant (chor. John Neumeier) – Opéra de Hambourg, 19 décembre 2021
www.hamburgballett.de/en/schedule/event.php?AuffNr=193246
 
Photo © Kiran West