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Jonathan Fournel en récital aux Concerts de Poche (+ Fondation Louis Vuitton le 9 juin )– L’art de l’essentiel – Compte-rendu
Jonathan Fournel en récital aux Concerts de Poche (+ Fondation Louis Vuitton le 9 juin )– L’art de l’essentiel – Compte-rendu
Dans le contexte de la crise sanitaire et d’un événement qui se déroulait sans public et en streaming, la nouvelle du Premier Prix de Jonathan Fournel au Concours Reine Elisabeth 2021 n’a sans doute pas eu exactement le retentissement qu’elle méritait. Et pourtant depuis Frank Braley, il y a trente ans tout rond, aucun pianiste français n’était parvenu à la récompense suprême de la prestigieuse compétition belge. Une Belgique à laquelle Fournel doit décidément beaucoup car, après ses études au CNSMDP, avec Michel Dalberto en particulier, il a poursuivi sa formation à la Chapelle Reine Elisabeth auprès de Louis Lortie et d’Avo Kouyoumdjian.
Habitué des Concerts de Poche depuis de longues années (il s’y est produit pour la première fois à l'âge de 15 ans), l’artiste (né en 1993) leur demeure fidèle, bien conscient de l'irremplaçable travail d’irrigation culturelle qu’ils assurent, loin des grandes salles parisiennes ou celles d’autres métropoles. Avec un plaisir visible, il se prête d’ailleurs au jeu de l’accompagnement d’une chorale d’enfants et d’adultes (1) – un rituel en début de programme aux Concerts de Poche –, bien préparée et menée par Benjamin Vinit dans des pages de Brahms, Mozart et Barbara.
© Julien Formont
Reste que le plat de résistance de la soirée était formé par des œuvres de Chopin et Brahms. Dire que l'artiste a été à la hauteur du défi consistant à enchaîner la 3e Sonate de Chopin et de la 3e Sonate de Brahms est un faible mot. Deux œuvres redoutables qui, si l’interprète n’en maîtrise pas la logique interne, peuvent se muer en monuments d’ennui ... Aucun risque avec Jonathan Fournel ! Il s’engage corps et âme dans la musique, avec une conviction et une nécessité intérieure qui hameçonnent d'emblée l'attention de l’auditeur, pour ne plus la lâcher. Sonorité pleine, jeu appuyé sur une incroyable main gauche, très présente et toujours expressive : maestoso à souhait, l’Allegro initial de l’Opus 58 de Chopin chemine et se développe avec une rare intensité ; on n’est pas moins saisi par celle du Scherzo. Sous les doigts de Fournel, la phrase respire, avance continûment ; il sait faire chanter le belcantiste Largo, en évitant le surplace dans lequel ce mouvement peut facilement – très facilement – s’enliser. Quant au Presto, il y a bien longtemps que l’on ne l’avait ainsi entendu, pareil à une chevauchée fantastique surplombée d’un pressentiment fatal. Formidable conclusion, au sens premier du qualificatif !
Le talent de Jonathan Fournel s’illustre non moins bien dans la 3e Sonate de Brahms, dont le pianiste a on s’en souvient signé un très bel enregistrement chez Alpha (un Opus 5 couplé avec de non moins réussies Variations Haendel). Il prend possession de l’Allegro maestoso, avec une autorité dénuée de toute dureté ou raideur. Prise de possession totale : le premier volet de cette « symphonie déguisée » s’édifie avec une évidence imparable. La sonorité riche, dense, jamais grasse, se plie à toutes les nuances du sentiment. Que de poésie nocturne, de noblesse et de plénitude du timbre et du chant dans l’Andante espressivo, avant un Scherzo d’un feu dominé. Quant aux fantômes qui rôdent dans le 4e mouvement, Jonathan Fournel, en les libérant – et de quelle troublante façon ... –, montre qu’il fait partie des interprètes capables de saisir la part la plus essentielle des œuvres, et d’en assumer tout le poids émotionnel, ici jusqu’au terme d’un final aussi libre que fougueux.
Les occasions seront nombreuses de retrouver l’artiste pour ce programme Chopin/Brahms dans les jours et les semaines qui viennent (à commencer par Strasbourg le 31 mars)(2). Quant aux Parisiens qu’ils cochent dès à présent le 9 juin sur leur agenda, date du premier récital de Jonathan Fournel à la Fondation Louis Vuitton.(3)
Alain Cochard
Reste que le plat de résistance de la soirée était formé par des œuvres de Chopin et Brahms. Dire que l'artiste a été à la hauteur du défi consistant à enchaîner la 3e Sonate de Chopin et de la 3e Sonate de Brahms est un faible mot. Deux œuvres redoutables qui, si l’interprète n’en maîtrise pas la logique interne, peuvent se muer en monuments d’ennui ... Aucun risque avec Jonathan Fournel ! Il s’engage corps et âme dans la musique, avec une conviction et une nécessité intérieure qui hameçonnent d'emblée l'attention de l’auditeur, pour ne plus la lâcher. Sonorité pleine, jeu appuyé sur une incroyable main gauche, très présente et toujours expressive : maestoso à souhait, l’Allegro initial de l’Opus 58 de Chopin chemine et se développe avec une rare intensité ; on n’est pas moins saisi par celle du Scherzo. Sous les doigts de Fournel, la phrase respire, avance continûment ; il sait faire chanter le belcantiste Largo, en évitant le surplace dans lequel ce mouvement peut facilement – très facilement – s’enliser. Quant au Presto, il y a bien longtemps que l’on ne l’avait ainsi entendu, pareil à une chevauchée fantastique surplombée d’un pressentiment fatal. Formidable conclusion, au sens premier du qualificatif !
Le talent de Jonathan Fournel s’illustre non moins bien dans la 3e Sonate de Brahms, dont le pianiste a on s’en souvient signé un très bel enregistrement chez Alpha (un Opus 5 couplé avec de non moins réussies Variations Haendel). Il prend possession de l’Allegro maestoso, avec une autorité dénuée de toute dureté ou raideur. Prise de possession totale : le premier volet de cette « symphonie déguisée » s’édifie avec une évidence imparable. La sonorité riche, dense, jamais grasse, se plie à toutes les nuances du sentiment. Que de poésie nocturne, de noblesse et de plénitude du timbre et du chant dans l’Andante espressivo, avant un Scherzo d’un feu dominé. Quant aux fantômes qui rôdent dans le 4e mouvement, Jonathan Fournel, en les libérant – et de quelle troublante façon ... –, montre qu’il fait partie des interprètes capables de saisir la part la plus essentielle des œuvres, et d’en assumer tout le poids émotionnel, ici jusqu’au terme d’un final aussi libre que fougueux.
Les occasions seront nombreuses de retrouver l’artiste pour ce programme Chopin/Brahms dans les jours et les semaines qui viennent (à commencer par Strasbourg le 31 mars)(2). Quant aux Parisiens qu’ils cochent dès à présent le 9 juin sur leur agenda, date du premier récital de Jonathan Fournel à la Fondation Louis Vuitton.(3)
Alain Cochard
(1) de jeunes choristes venus du conservatoire et du collège La Boétie de Moissy-Cramayel, des adultes bénévoles à l’Espace Arc-en-Ciel de Moissy-Cramayel
(2) jonathanfournel.com/index.php/index-phpindex-phpshows/
(3) www.fondationlouisvuitton.fr/fr/evenements/recital-jonathan-fournel
Vert-Saint-Denis, 11 mars 2022 /
Jonathan Fournel effectuera une tournée AJAM, du 31 mars au 8 avril 2022 (Strasbourg, Saintes-Marie-aux-Mines, Saverne, Colmar, Mulhouse) / http://www.ajam.fr/mars-avril-2022-jonathan-fournel-piano.html
Photo © DR
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