Journal
La Périchole à l’Opéra-Comique – Premier degré – Compte-rendu
Mais pourquoi faut-il que la plupart des metteurs en scène nous infligent sempiternellement les mêmes spectacles, surtout lorsqu’il s’agit des opéras-bouffes d’Offenbach ? De Savary à Desbordes en passant par Shirley et Dino, les productions se suivent et se ressemblent, leurs auteurs jouant avec les mêmes codes, les mêmes esthétiques, recyclant sans complexe les mêmes recettes et abusant d’un comique pour le moins réchauffé.
La Périchole présentée à la Salle Favart ne fait pas exception à cette règle. Décors et costumes aux couleurs saturées, chorégraphie survitaminée (signée Yohann Têté), gags éculés, tout semble avoir été récupéré d’une antique production de province. Pour Valérie Lesort, qui signe cette fois seule (sans son acolyte Christian Hecq) ce spectacle d’un autre âge, on ne parle pas chez Offenbach, on hurle, on ne joue pas, on surjoue, on n’invente pas, on duplique. Dès lors, l’évocation de ce Pérou de carte postale fait mal aux yeux et la narration très premier degré qui nous est imposée, finit pas lasser, même si de temps à autre un numéro que l’on croirait sorti d’un cabaret nous secoue vaguement de notre léthargie. Comme nous aurions aimé plus de subtilité, plus de finesse pour accompagner les tribulations de cette insolente Périchole et de son embarrassant Piquillo, qui méritent mieux que ce succédané.
Pas de faux pas pour Stéphanie d’Oustrac (photo) qui chante correctement le rôle-titre, sans pour autant en dépasser le cadre et le transcender. Ses airs, véritables tubes – « Ah ! Quel dîner », « Je t’adore brigand » – sont restitués avec soin, sans excès, mais ne nous éblouissent à aucun moment, portés par une interprétation enflammée ou par un abattage renversant qui rendrait son approche supérieure et donc incontournable. Philippe Talbot a sans doute des admirateurs, mais son timbre blanc et étriqué, son jeu poussif et linéaire qui font de Piquillo un crétin bas de plafond, montrent les limites d’une approche qui ne nous a pas convaincu, d’autant que le ténor succède à Stanislas de Barbeyrac, bien plus canaille et charpenté sous la baguette enivrante de Marc Minkowski (Bordeaux 2018 / PBZ « Opéra Français »).
Véritable caméléon, le baryton grec Tassis Christoyannis parvient malgré des indications scéniques rudimentaires à tirer son épingle du jeu en Don Andrès de Ribeira, grâce à sa forte personnalité et au plaisir qu’il a de jouer la comédie. Eric Huchet, comme avec Minkowski, est un amusant Don Miguel de Panatellas, aux côtés de Lionel Peintre plus acteur que chanteur dans le rôle de Don Pedro de Hinoyosa et de l’explosif trio des Cousines (Julie Goussot, Marie Lenormand et Lucie Peyramaure).
Dans la fosse, Julien Leroy se démène à la tête les membres de l’Orchestre de Chambre de Paris – sur la retenue lors de cette soirée de première –, qu’il dirige avec ce mélange d’audace et d’espièglerie propres à la musique d’Offenbach, sans pourtant toujours parvenir à extraire de la partition ses aspects les plus flatteurs.
François Lesueur
Offenbach : La Périchole – Paris, Opéra 15 mai 2022 ; prochaines représentations les 19, 21, 23 & 25 mai 2022 // www.opera-comique.com/fr/spectacles/la-perichole
Photo © Stefan Brion
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