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Le Songe d’une nuit d’été selon Ola Mafaalani à Amsterdam (tournée OperaZuid) – Une forêt en chocolat… – Compte rendu
Une forêt en chocolat, ça n’existe pas. Sauf dans les rêves, bien sûr. Justement, la production du Midsummer Night’s Dream de Britten que propose en ce moment OperaZuid, en tournée dans une vingtaine de villes des Pays-Bas, refuse toute iconographie forestière, et même toute féerie traditionnelle. Les fées sont ici des cuisiniers, qui mélangent inlassablement des bols remplis de chocolat fondu, et c’est une cuiller enduite de ce chocolat qui remplace la fleur censée rendre amoureux. C’est aussi à une logique onirique – autrement dit à une absence de logique rationnelle – que recourt la mise en scène imaginée par Ola Mafaalani. Tout à coup, tous les personnages modifient simultanément la couleur de leur tenue, pour adopter le rouge ou le rose comme nuance dominante : on peut voir là une image du désordre des sentiments provoqués par la vengeance d’Obéron. Mais bien plus énigmatique est l’autre changement de costume que les spectateurs découvrent après l’entracte : voici que tous les personnages (y compris Thésée et Hippolyta, qui ne participent pas au rêve), sont vêtus de longues robes bleues vaporeuses. Pourquoi ? Mystère. Le roi et la reine des fées se disputent un ours en peluche qui se déchire en deux, et dont le corps ornera le crâne de Bottom en guise de tête d’âne. Puck est ici une actrice acrobate – Dreya Weber –, qui passe le plus clair de son temps au-dessus du plateau, à escalader une longue draperie tombée des cintres. Les néons qui montent et descendent contribuent aussi à créer l’atmosphère de ce songe, avec un dépouillement qui n’est pas sans rappeler la fameuse production conçue en 1970 par Peter Brook pour la Royal Shakespeare Company.
© kve.be
Dans la fosse de l’International Theater Amsterdam, on retrouve le chef belge Karel Deseure, souvent entendu au Benelux dans tout le répertoire du XXe siècle. Rien d’étonnant donc à la retrouver dirigeant ce Britten où les accords onctueux censés évoquer l’épaisse forêt athénienne renvoient ici au chocolat liquide qui coule des cuillers. Conformément aux choix de la mise en scène, les confrontations des amoureux prennent un caractère plus âpre que ce n’est parfois le cas. Comme c’est désormais la règle, le chœur des fées est presque exclusivement composé de voix féminines, les quatre fées solistes étant nettement sorties de l’enfance.
© Joost Milde
De la distribution se détachent inévitablement certaines personnalités. Le contre-ténor Jan Wouters est un Obéron à la voix sonore et sensuelle, pour un personnage bien plus charnel que ce n’est souvent le cas. Kristina Bitenc, dont on avait pu apprécier les qualités à l’Opéra studio de l’Opéra du Rhin il y a quelques années, est une Tytania au timbre tranchant et à la virtuosité précise, sans rien d’éthéré dans son incarnation, et ses galipettes avec Bottom ne laissent guère de doutes sur la nature de son intérêt pour l’homme à tête d’âne. Bottom revient à Marc Pantus, habitué des spectacles du Barokopera Amsterdam : le personnage a connu des interprètes à la voix plus ample, mais l’acteur se montre très convaincant dès lors que la mise en scène ne bloque plus les artisans sur une passerelle latérale. Ténor de caractère, Christopher Gillett est un habitué du rôle de Flute, auquel il confère un relief inhabituel. Les autres membres de l’équipe des artisans s’acquittent très adéquatement de leur tâche. Belle surprise que de retrouver ici en Lysandre le ténor britannique Ted Black, lauréat de l’Académie Orsay-Royaumont, dont la voix s’approprie à merveille le rôle que Peter Pears aurait créé s’il en avait encore eu la jeunesse en 1960. Ed Ballard manque un peu de projection en Demetrius, Liesbeth Devos a la voix un peu pointue en Helena, mais Leonie van Rheden est une Hermia à la voix riche. Quirijn de Lang, dont on avait apprécié le Hamlet en 2018, se contente ici du petit rôle de Thésée, Eva Kroon prêtant à Hippolyta les beaux graves attendus du personnage.
Laurent Bury
Britten : A Midsummer Night’s Dream – Spectacle créé le 20 mai à Eindhoven. Représentation du 26 mai à Amsterdam (International Theater Amsterdam).
Prochaines représentations à Tilburg, Breda, Eschede, Groningen, Venlo, Utrecht, Maastricht, Sittard, La Haye & Vlakenburg, du 31 mai au 21 juin 2022 // operazuid.nl/en/events/amnd/
Photo © Joost Milde
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