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Une interview de Julien Chauvin – « La musique de Vivaldi possède des vertus thérapeutiques »
Quant au programme avec les deux mezzos, il sera repris dès le 25 juin prochain au théâtre élisabéthain d'Hardelot, dans le cadre du Midsummer Festival, et le lendemain à l'abbaye de Saint-Michel en Thiérache.
Le Concert de la Loge est étroitement associé à Haydn, à Mozart et à la musique française de la fin du XVIIIe siècle, mais un axe vivaldien se dessine nettement depuis deux ans. Parlez-nous de votre relation avec ce compositeur.
La question de Vivaldi est délicate parce qu’on associe très vite sa musique à quelque chose de facile et de superficiel. L’enregistrement d’un premier disque de concertos a été pour le Concert de la Loge l’occasion de nous plonger vraiment dans l’œuvre pour violon, assez inépuisable, de cet auteur et de nous rendre compte que sa musique, qui a tellement de qualités pour toucher, pour « emballer » ses auditeurs, est très difficile à interpréter. Nous n’en finissions pas de la travailler, de chercher des couleurs, de réfléchir à la manière de mettre toutes les harmonies en résonance, de sculpter et dessiner le discours. Ce faisant nous avons mesuré le fossé entre les apparences de la musique et le travail qu’elle réclame.
Il y a donc eu ce premier disque, suivi de concerts : pour ceux-ci nous avons eu envie d’associer les deux grandes passions de Vivaldi : le violon et la voix. Très vite, avec Sandrine Piau, nous avons monté un programme – qui reprenait le nom du disque : «Il teatro » – où nous explorions de manière contiguë les dimensions vocale et instrumentale en remplaçant certains mouvements des concertos choisis par des airs d’opéra. La formule à été très bien accueillie par le public et nous avons donné de nombreux concerts avec Sandrine. Le concert d’airs et de duos que nous proposons le 19 juin au Festival de Saint Denis, avec Adèle Charvet et Eva Zaïcik, se situe dans la continuité de ce dont je viens de vous parler.
A la rentrée, nous allons revenir aux concertos avec la sortie d’un nouveau disque, enregistré pendant la période du confinement. Le programme est bâti autour de la personnalité de Johann Georg Pisendel (1687-1755), grand virtuose qui a écrit des ornements pour des concertos de son collègue italien et pour lequel ce dernier a imaginé de grandes cadences. On découvrira un ouvrage assez étonnant dans ce disque aussi : un concerto que Vivaldi a élaboré à partir et autour d’une composition de Pisendel.
La musique de Vivaldi est très particulière : elle est à la fois adorée du public, extrêmement populaire, et considérée parfois avec un certain dédain ou snobisme par les musiciens. Ce n’est pas mon cas. J’ai réécouté il y a peu de temps l’enregistrement de La verità in cimento de Jean-Christophe Spinosi, réalisé en 2002 et auquel – j’étais encore étudiant à l’époque – j’avais pris part : c’est une musique extrêmement impressionnante !
Au sortir de la période du confinement, on a pu mesurer à quel point la musique de Vivaldi fait du bien, de par sa construction, ses harmonies, ses caractéristiques formelles. A regarder la mine des gens au sortir d’un concert Vivaldi, on comprend que cette musique possède des vertus thérapeutiques. Je n’invente rien en disant cela, mais je pense que c’est à prendre en compte, et particulièrement en ce moment. Elle nous fait du bien à nous aussi et c’est pourquoi nous la jouons !
Avez-vous d’autres projets vivaldiens au disque après le volume Pisendel ?
Rien pour le moment, mais je précise que la sortie de ce nouveau Vivaldi à la rentrée, chez Naïve, se fera exactement à la même date que celle d’un nouveau volume Mozart (avec le Concerto n° 23 sous les doigts d’Andreas Staier) chez Alpha – exemple de coordination entre deux maisons de disques assez rare pour être souligné. Nous jouerons beaucoup les Quatre Saisons l’an prochain car nous montons un projet avec le chorégraphe Mourad Merzouki, dans une scénographie de Coline Serreau et des lumières de Dominique Bruguière : un concert augmenté qui sera créé à la Seine Musique fin mai. 2023 marquera le tricentenaire de la composition des Saisons.
Quelle forme prendra votre résidence au Festival de Saint-Denis ?
Nous participons cette année au volet « Métis » du festival (2), une forme de préfiguration de la résidence qui se met route avec deux gros projets sur 2023 et 2024 – nous donnerons La Création de Haydn (en français) l’an prochain. Notre résidence comportera beaucoup de rencontres, avec le jeune public ou avec des auditoires peu familiarisés à la musique classique. S’agissant du public scolaire, nous déroulerons notre projet Hip Baroque Choc avec des collèges, des lycées. Nous allons aussi le faire venir à des concerts à Paris, lui organiser des visites, notamment au Louvre. Nous avons un lien très fort avec cette institution et nous nous en servons pour nourrir notre résidence.
Propos recueillis par Alain Cochard le 10 juin 2022
(1) www.concertclassic.com/article/le-disque-de-la-semaine-vivaldi-par-julien-chauvin-et-le-concert-de-la-loge-vivaldi-edition
(2) www.metis-plainecommune.com/fr/concert/concert-de-la-loge-julien-chauvin-cie-kafig-mourad-merzouki/
Le Concert de la Loge, dir. Julien Chauvin / Adèle Charvet et Eva Zaïcik
19 juin 2022 – 17h
Saint-Denis – Légion d’honneur
festival-saint-denis.com/concert/220619_adele-charvet-eva-zaicik-le-concert-de-la-loge/
Photo © Franck Juery
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