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Norma au Liceu de Barcelone - Marina Rebeka sacrée Cardinale - Compte-rendu
Elle est venue, elle a vu et elle a vaincu. En acceptant de débuter au Liceu dans le rôle de Norma, Marina Rebeka savait qu’elle jouait gros pour elle, sa réputation et son avenir sur la scène lyrique qu’elle est en passe de conquérir. En quelques années la cantatrice a franchi les étapes, gagné en assurance et enchaîné les partitions pour parvenir au sommet. Après une première Norma saluée à Toulouse et plusieurs emplois importants (Thaïs, Anna Bolena, Il Pirata, La Vestale tout récemment (1)…) la voilà adoubée à Barcelone dans le chef-d’œuvre de Bellini.
© David Ruano
Construit avec une précision imparable et porté par un timbre aux reflets métalliques que nous ne lui connaissions pas, le rôle est un modèle d’équilibre. Consciente des enjeux musicaux développés sur la longueur, la soprano tient le cap sans jamais outrepasser ses moyens ou s’inventer une voix qu’elle n’aurait pas. Nuancée dans les récitatifs qu’elle cisèle avec goût, son interprétation est recherchée, d’un « Casta diva », souverainement tenu et chanté piano comme une prière, aux feulements rageurs du « In mia man » en passant par les confessions secrètes d’un bonheur perdu mises à nu pendant le duo « O rimembranza ».
Le phrasé délicatement ourlé, le contrôle du souffle, la projection savamment dosée et la finesse des variations proposées dans chaque reprises appelleraient un commentaire tant Marina Rebeka ne laisse rien au hasard et ce jusqu’aux aigus négociés avec vigueur et soutien. La fréquentation régulière de l’ouvrage lui permettra d’affiner encore les couleurs et d’atténuer le métal audible et légèrement boursouflé dans le bas médium. Nous tenons là en tous cas une Norma de tout premier plan, digne de rivaliser avec celle, plus sauvage et racée, de Sondra Radvanovsky.
© David Ruano
Transformée en cardinale à la tête d’une horde de religieux fanatiques (période franquiste) puis en mère de famille abandonnée, la chanteuse méritait sans doute mieux que ce spectacle ridicule – signé Alex Ollé – crée à Londres en 2016. Exceptées l’imposante forêt et la couronne de crucifix qui tiennent lieu de décor quasi unique (Alfons Flores), tout dans cette lecture paresseuse sonne faux et creux, son auteur peu inspiré par le drame bellinien se contentant de plaquer quelques idées anecdotiques dans un espace où chaque personnage peine à évoluer. Comment oser demander à une artiste de déposer le corps de l’enfant qu’elle s’apprête à occire sur un plastique et lui faire replier en vitesse et cacher sous un canapé au moment où Adalgisa survient ? Et que dire de la passerelle sur laquelle elle s’adresse aux siens pour entonner son chant sacré ! ...
Peu aidée par l’absence de direction d’acteur, Varduhi Abrahamian fait ce qu’elle peut pour faire exister son Adalgisa, chantée avec aplomb d’une voix allégée mais suffisamment puissante pour se distinguer dans les duos et le fameux trio « Non tremare ». Loin des braillards tout en muscles et sans cervelle, Riccardo Massi crée la surprise avec son Pollione à la présence juvénile et au caractère singulier. A ce trio équitablement réparti, viennent s’adosser le solide Oroveso de Nicolas Testé – contraint en bon père offensé de tirer une balle dans la tête de sa fille au lieu de la laisser s’immoler ! – l’honorable Flavio de Nestor Losan et la timide Clotilde de Nuria Vila.
Dans la fosse, Domingo Hindoyan tient avec une certaine allure les rênes de l’Orchestre symphonique du Grand Théâtre. Son énergie et sa sensibilité sont mises au service de la partition dont il traduit les moindres aspects sans jamais oublier d’accompagner les solistes avec la plus grande sollicitude.
François Lesueur
(1) www.concertclassic.com/article/la-vestale-en-concert-au-theatre-des-champs-elysees-allumer-le-feu-compte-rendu
Bellini : Norma – Barcelone, Gran Teatre del Liceu, 30 juillet 2022 // liceubarcelona.cat
Photo © David Ruano
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