Journal
Aida au Teatro Real de Madrid – Comme en Egypte – Compte-rendu
La production d’Aida présentée actuellement au Teatro Real (et ce jusqu’au 14 novembre), fait aujourd’hui partie du « répertoire » de l’institution madrilène, dont le succès ne s’est pas démenti depuis vingt-cinq ans. Hugo de Ana traite son sujet avec respect, rigueur et limpidité, proposant une reconstitution de l’Egypte, « pharaonique » dans ses mouvements de foule parfaitement réglés – à cet égard le tableau du « Triomphe » est une réussite – et ces scènes intimistes au pied des pyramides, où pas un esclave nu, pas une barque sacrée, ni un pylone tatoué de hiéroglyphes ne manquent à l’appel. L’apport mesuré de vidéos utilisées en surimpression, ainsi que de belles parties dansées confère à l’ensemble une esthétique cohérente que bien des fumeuses relectures n’ont pas su atteindre.
Dans le rôle-titre l’Italienne Roberta Mantegna (photo, qui partage les dix-neuf dates avec Krasimira Stoyanova, Anna Netrebko et Vittoria Yeo), livre une délicate performance. La tessiture ne la prend pas en défaut, l’engagement et les notes sont là, ne manque à cette Aida pour être véritablement optimale qu’une diction plus précise du texte et une recherche plus approfondie des variations émotionnelles subies par son héroïne, dont le portrait montre, sur la longueur, une trop grande uniformité ; et ce jusqu’au duo final où l’on attend plus de vibrations et de frémissement.
Yusif Eyvazov ne fait pas dans la dentelle avec ce timbre encombré et ces aigus qui ne sont toujours jamais intégrés au reste de l’instrument et semblent émis par une autre bouche. Et que dire de l’acteur empêtré dans des toges trop larges, incapable de prêter à l’amoureux et romanesque guerrier Radamès autre chose qu’une présence maladroite et bien peu concernée. Le baryton polonais Artur Rucinski profite du temps très court imparti à Amonasro pour se faire remarquer en occupant la scène tel un fauve en cage, auquel le timbre impétueux de sa voix apporte puissance et crédibilité.
Ce n’est pas faire injure à Sonia Ganassi que de saluer sa longue carrière.
A-t-elle raison, à ce stade, de chanter Amnéris avec un instrument crispé, un souffle raccourci qui la contraint à respirer bruyamment et un organe qui peine à se faire entendre dans le grave ? Au prix de coûteux efforts et d’un professionnalisme acharné, la cantatrice parvient pourtant au bout du rôle, la grande scène du « Jugement » lui arrachant quelques aigus salvateurs.
Plus que Deyan Vatchkov, Roi embarrassé par un timbre chétif et rocailleux ou que Jongmin Park correct Ramfis, ce sont les chœurs préparés par Andrés Maspero qui suscitent l’enthousiasme, à l’instar de la brillante direction de Nicola Luisotti (chef principal du Teatro Real) qui allie expressivité latine, style impeccable et implication de chaque instant envers un chef-d’œuvre qu'il connaît si bien.
François Lesueur
Giuseppe Verdi : Aida – Madrid, Teatro Real, 29 octobre ; prochaines représentations les 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 novembre 2022 // https://www.teatroreal.es/es/espectaculo/aida-0
Photo © Javier del Real
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