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La Flûte enchantée selon Anna Bernreitner à l’Opéra de Montpellier – Mozart en sucre d’orge – Compte-rendu
Il est des productions simples et efficaces qui savent faire la joie des petits et grands, sans croquer le cerveau ni nécessiter des moyens faramineux. Cette Flûte façon BD se déguste comme une friandise de fête foraine. Chroniquée ici même par Laurent Bury lors de sa création à Nancy, elle fait le plein dans la bonbonnière de la Comédie occitane. On lui pardonnera quelques coupes, notamment à l’acte II, lors de la TS de Papageno, sans doute problématique pour les plus jeunes, et le remix des dialogues donnés en français. Ils ne servent guère les mots d’Emanuel Schikaneder, souvent misogynes, qui piquent un brin.
Les effets spéciaux empruntent aux projections vidéo façon Walt Disney. Le dragon est le Kaa du Livre de la jungle, les coups de flûte frappent comme la baguette de l’Apprenti sorcier et le temple maçonnique a tout du château de La Belle au bois dormant. Les costumes affichent du rose saumon pour les dames de la nuit, du vert pistache pour l’oiseleur, du bleu layette et du jaune citron. Les perruques délirantes ont l’outrance joyeuse de La Chronique des Bridgerton et de son XVIIIe meringué.
© Marc Ginot
L’allègre mise en scène d’Anna Bernreitner transforme Papageno et Papagena en véritables oiseaux, comme la caille gloussante jouée par la délicieuse Norma Nahoum que l’on entend, hélas, trop peu. Mikhail Timoshenko est son oiseleur tendre et juvénile, clair de timbre et de diction. D’autres animaux cocasses hantent la scène, une méduse en robe à panier, un morse, un flamant rose, un sphinx de nuit, une crevette et un mouton, chacun allumant des étincelles chez les nombreux enfants venus en ce soir de première.
@ Marc Ginot
La direction de Constantin Trinks évite l’emphase et le gluant. Il pare Mozart d’une vivacité et d’une rondeur que l’ouverture, aux premiers accords distendus, ne laissait guère présager. L’acoustique sèche, mais très en relief, de la fosse de la Comédie souligne la singularité des pupitres, tel ce basson dans "In diesen heil’gen Halle" de Sarastro, venu renforcer la projection un rien timide du Coréen In Sung Dim. Les voix basses sont les plus faibles du casting, à l’exception des deux hommes d’armes, Hyoungsub Kim et Albert Alcaraz, tous deux issus du Chœur Opéra national Montpellier Occitanie.
© Marc Ginot
Parmi les sémillantes dames de la nuit on remarque vite le mezzo opulent de Cyrielle Ndjiki qui s’apparie, sans les gêner, à Madjouline Zerari et Claire de Sévigné. La Pamina de Athanasia Zöhrer offre un "Ach Ich fühl’s" pétri d’émotion, même si certaines accents sont un peu trop appuyés. Le Monostatos de Benoît Rameau, affublé comme un Harlequin aux allures d’Élie Kakou, s’évite tout procès en blackface en jouant un sympathique transi d’amour. La Reine de la nuit de Rainelle Krause, évidemment très attendue, vocalise avec adresse et puissance bien que ses passages de registres restent à maîtriser.
© Marc Ginot
On pourra bientôt parler des frères Pati comme du phénomène ténor de la décennie. Frère du Pene Pati qui remporte en ce moment tous les suffrages, Amitai mérite autant d’éloges. La voix est onctueuse est vaillante, bien posée, parfaitement articulée. Le Samoan est la jolie cerise sur une pâtisserie mozartienne que juniors et seniors ovationnent. Mention spéciale aux trois enfants d’Opéra Junior, petits schtroumpfs dont le talent est déjà plus qu’en herbe.
Vincent Borel
Mozart : La Flûte enchantée – Montpellier, Opéra Comédie, 13 janvier, prochaines représentations les 15, 17 et 19 janvier 2023 // https://www.opera-orchestre-montpellier.fr/evenements/la-flute-enchantee/
Photo © Marc Ginot
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