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Daphnis et Chloé au Musée d’Orsay – Sous le charme – Compte-rendu
Moment de paix, de légère griserie méditerranéenne, que ce Daphnis et Chloé, dansé en duo dans le sage auditorium du Musée d’Orsay, transformé en Eden pour bergers d’Arcadie, grâce à quelques superbes vidéos dans lesquelles se fondent les danseurs, Florent Melac et Hannah O’Neill, se mouvant sur un plateau où est installé un piano. Au clavier, la brillante Claire Marie Le Guay accompagne le couple dans son évocation du mièvre récit de Longus, heureusement vivifié par la musique du si peu languide Ravel, et dont Fokine se saisit, du temps des Ballets russes, pour en faire une pièce forte et séduisante que créa Nijinski au Châtelet le 8 juin 1912. La version pour piano solo utilisée ici est celle écrite par Ravel avant de passer à l’orchestration de son ouvrage, version sur laquelle la pianiste a opéré des arrangements afin d’intégrer autant que possible les parties de chœur.
© Julien Benhamou
D’entrée de jeu, donc, une vidéo montre un jeune couple moderne, gambadant au milieu des trésors du Musée, dont les superbes voûtes emportent aussitôt vers un autre monde. Celui de multiples rêves cristallisés grâce à une foule de chefs-d’œuvre ou simplement de belles pièces témoins de leur temps. Puis, tandis que la partition déroule ses entrelacs et ses syncopes, ses provocations, ou ses plages flottantes, les deux danseurs se lancent dans une course fluide et sensuelle, corps ployés, portés vertigineux, cambrés sans fin, tournoiements et enlacements éperdus, qui créent un climat de délicieux abandon. Puis, interrompant leur pas de deux inlassable, ils laissent la place à la vidéo qui grâce à quelques visions de tableaux célèbres, étoffe l’histoire, avec ses drames autant qu’avec ses états de grâce, tandis que le héros se fond dans les images projetées. Parfois aussi, on montre le couple jouant gaiement et s’étreignant dans une forêt de conte, parcourue de rochers qui ressemblent bien à ceux de Fontainebleau.
© Julien Benhamou
Idée originale que cette pièce dansée au cœur d’un univers pictural fascinant, et dont la chorégraphie, signée Florent Melac, procure une sorte d’état de grâce. On ose parler de beauté, grâce à l’ondoiement du couple, dont on connaît bien les qualités, forgées à l’Opéra de Paris. Pour Hannah O’ Neill, dont on avait suivi les débuts avec beaucoup d’espoir, et qui semblait s’être figée dans une technique un peu trop académique, on a le sentiment que sa récente nomination d’étoile (en mars dernier) a brisé ses réserves et que, enfin libre, surtout dans ce duo où elle n’a qu’à être elle-même, elle vibre comme jamais. Tandis que Florent Melac, piqué de chorégraphie depuis des années, et avec talent, impose son physique d’Apollon et sa pureté de lignes, dignes d’un Praxitèle, avec une douceur, une fluidité qui sont un parfait écho pour la grâce rayonnante de sa partenaire.
Claire-Marie Le Guay © Carole Bellaiche
Divins bergers, portés avec une vitalité éclatante par le jeu plus que vigoureux de Claire Marie Le Guay, pour cette idyllique séquence chorégraphique. On se demande simplement le rapport qu’elle a avec la thématique Manet/Degas, que le musée expose, et qui lui sert de chapeau. Notamment avec le Dante et Virgile de Bouguereau, devant lequel Florent Melac est photographié, et qui n’a rien d’impressionniste …
Jacqueline Thuilleux
Paris, Auditorium du Musée d’Orsay, 11 mai ; prochaine représentation le 14 mai 2023 (à 15 h). www.musee-orsay.fr/fr/agenda/evenements/daphnis-et-chloe-de-ravel
Photo © Julien Benhamou
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