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Picture a day like this de George Benjamin et Martin Crimp en création au Festival d’Aix-en-Provence 2023 – Bouton d’or – Compte rendu
En 2012 George Benjamin et Martin Crimp bouleversaient le Festival d’Aix-en-Provence avec Written on skin qui entrait au répertoire dès sa création. Onze ans plus tard, les mêmes reviennent pour encore offrir une œuvre qui fait l’unanimité, Picture a day like this (Imagine un jour comme celui ci). Un opéra profondément sensible, émouvant et réaliste.
Sir George Benjamin © Matthew Lloyd
Un enfant est mort. Sa mère va débuter un chemin initiatique après qu’une femme lui a dit « trouve une personne heureuse en ce monde et prends un bouton de la manche de son vêtement. Fais-le avant la nuit et ton enfant vivra. » En suivant le chemin dicté par la page d’un grimoire qui lui a été remise, elle s’en va à la recherche du bonheur d’un humain et de ce bouton magique. Mais elle ira de déceptions en échecs… Auprès d’un couple d’amoureux irradiant de bonheur jusqu’à ce que l’amant évoque sa condition de polyamoureux et sa relation avec la meilleure amie de sa compagne, auprès d’un artisan qui confectionnait des boutons qui est heureux sous thérapie puisque suicidaire après qu’une machine a provoqué son licenciement, auprès d’une compositrice célèbre dont la notoriété n’engendre en rien le bonheur, happée qu’elle est par son travail et son égoïsme, auprès d’un collectionneur miné par la solitude qui pourrait être heureux s’il était aimé de la femme ; en vain. Ce dernier, empli d’une humanité dont étaient dépourvus les autres, permettra l’ultime rencontre, celle de la femme avec Zabelle au cœur d’un jardin merveilleux.
Zabelle est heureuse, mais elle n’existe pas victime d’un destin dramatique… Et lorsqu’elle disparaît, un bouton scintille dans sa main mais la barrière invisible qui sépare les deux femmes empêche la transmission de l’objet. Revenue auprès du petit lit de son enfant, la mère est instruite par les femmes qui l’entourent. La page avait été arrachée au grand livre des morts et ne peut-être modifiée par personne. La femme sourit ; dans sa main un bouton scintille…
@ Jean-Louis Fernandez
Une fois de plus, Martin Crimp est allé puiser son inspiration dans les contes populaires pour écrire ce livret hors du commun par son onirisme et sa puissance. Et une fois de plus, George Benjamin, alchimiste génial, fait fusionner texte et musique pour donner naissance à un nouveau bijou d’opéra. Si pour Written on skin le compositeur avait travaillé pour la voix de Barbara Hannigan, pour Picture a day like this il avoue avoir composé plus spécifiquement pour la voix de Marianne Crebassa. Autant dire que la mezzo-soprano montpelliéraine trouve ici un terrain d’expression privilégié, la richesse de son instrument étant exploitée de la plus intelligente des façons, ce qui lui permet, entre autres, de conférer à son personnage une dimension extraordinairement poignante. Bonne chance à celles qui lui succéderont lorsqu’il faudra reprendre la pièce !
© Jean-Louis Fernandez
Au cœur de cet univers particulier, idéalement mis en scène et en décors par Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma et dont le jardin merveilleux, il est vrai, fascinant, est signé du vidéaste Hicham Berrada, Marianne Crebassa est entourée d’une distribution exceptionnelle au premier rang de laquelle Anna Prohaska incarne une Zabelle elle aussi déchirante quoiqu’évanescente puisque fantomatique, le duo des femmes étant somptueux. Tour à tour amants puis compositrice et assistant de cette dernière, Beate Mordal et Cameron Shahbazi forment un couple idéal, tant vocalement que scéniquement, le baryton John Brancy incarnant, lui, l’artisan et le collectionneur avec puissance vocale et grande présence scénique.
Tous bénéficient de l’intelligence de la composition de Benjamin, qui leur permet de donner de l’épaisseur à leurs personnages sans jamais se mettre en danger. A l’image d’une partition équilibrée, généreuse et d’une grande sensibilité livrée par les instrumentistes du Mahler Chamber Orchestra idéalement conduits par… Sir George Benjamin himself. On n’est jamais mieux servi que par soi-même !
Michel Egéa
Benjamin : Picture a day like this – Festival d’Aix-en-Provence (Théâtre du Jeu de Paume) 11 juillet ; prochaines représentations les 14, 15, 17, 22 & 23 juillet 2023 // festival-aix.com/fr/programmation/opera/picture-day
Photo © Jean-Louis Fernandez
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