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Récital Sondra Radvanovsky - Piotr Beczala au Liceu de Barcelone – Diva ! Divo ! Divins ! – Compte-rendu
Il est rare d’assister à des récitals qui rentreront dans l’Histoire. Celui proposé au Liceu le 13 juillet dernier (doublé le 16 et repris à Ljubljana le 19) fait partie de ceux-là. On aurait pu penser que pour clore la saison barcelonaise, la soprano canadienne et le ténor polonais se contenteraient d’un programme balisé, sans risque, ou déjà donné ailleurs. C’était mal les connaître.
Après Medea, Macbeth et une première série de Turandot à Zürich, nouvelles orientations vers un répertoire nettement plus dramatiques, les admirateurs de Sondra Radvanovsky, dont nous sommes, craignaient pour son état vocal. Pourtant dès les premières notes du « Sola perduta abbandonata » les inquiétudes se sont dissipées. La clarté de la ligne, l’homogénéité des registres, l’amplitude de l’instrument et la variété des nuances sont bel et bien là. Sans parler de l’implication théâtrale et de la sincérité de l’expression qui font d’elle une interprète majeure.
Pour Piotr Beczala (photo), passé récemment à Radamès et à Calaf, il en était de même. Serait-il encore à la hauteur de sa glorieuse carrière ? A l’écoute du premier air de Cavaradossi chanté avec la classe, le naturel et la douce ardeur qui le caractérisent, la réponse ne s’est pas fait attendre. Réunis pour le duo de cette Tosca puccinienne dont ils connaissent chaque linéament et interprètent avec une intelligence et une enivrante émission à fleur de lèvre, le public était conquis.
Par-delà leur présence et leur générosité, on admire la manière dont ils se cherchent, se frôlent et se stimulent pour se surprendre et se relancer à chaque instant. Au frémissant « Vissi d’arte » abordé par la cantatrice archet à la corde, Beczala a répondu par un hypnotique « E lucevan le stelle » sur le souffle et dans un silence complet.
Après cette première partie, la seconde aurait pu faiblir ou retomber ; ce fut exactement le contraire. Avec le périlleux « Celeste Aida » le ténor a renouvelé sa prestation madrilène survolant les difficultés en sublimant son phrasé grâce à une conduite unique et à cette indispensable italiniatà qu’il cultive depuis toujours. Galvanisée, la soprano s’est ensuite surpassée dans un torride « Ritorna vincitor » paré de mille couleurs et de nuances inouïes qui font d’Aida - l’un de ses rôles chéris – un être de chair, de feu et de sang. Et que dire de leur duo final, de la fusion de leurs timbres capiteux et de leurs délectables aigus piani qui semblaient flotter longtemps après que leurs bouches se sont tues.
La soirée n’était pas pour autant terminée : quelques accords plaqués sans magie par la modeste pianiste Sarah Tysman et Piotr Beczala entamait l’air du premier acte « Vidino divná, přesladká » (1) extrait de la Rusalka de Dvorak, une splendeur, chantée d’une voix souple et éclatante qui laisse songeur surtout quand on sait l’âge respectable de l’artiste ! Habitée elle aussi, portée par cette langue aux douces aspérités et par cette musique si singulière, Sondra Radvanovsky livrait ensuite une Romance à la lune d’une beauté irradiante, jouant des textures de son timbre pulpeux, de sa technique, de son legato et de ses irrésistibles piani filés. Dernière marche vers l’Himalaya, le duo final « Miláčku, znáš mne, znáš? » (1) s’est révélé exceptionnel, d’intensité, d’expressivité et d’émotion, les deux complices emportant dans leurs filets l’auditoire jusqu’aux derniers soupirs du Prince et de l’Ondine.
Trois bis venaient conclure ce récital anthologique, une « Mamma morta » de jeune fille aux accents vibrants, un « Dein ist mein ganzes Hertz » d’un charme et d’un goût sans pareil, avant un ultime et délicieux « Lippen schweigen » (Die lustige Witwe), sur trois temps de valse lointaine. Monumental.
François Lesueur
(1) « O étrange et douce vision »
(2) « Mon chéri, me reconnais-tu ? »
Barcelone, Gran Teatro del Liceu,13 juillet 2023
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