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Concert de rentrée de l’Orchestre de Paris - Les cloches sonnent à la Philharmonie – Compte-rendu
Avec un programme entièrement russe (Stravinsky, Prokofiev, Rachmaninov), l’Orchestre de Paris et son directeur musical Klaus Mäkelä (photo) ont brillamment réussi leur rentrée, donnant le coup d’envoi d’une riche saison. La soirée débute par les scènes burlesques de Petrouchka de Stravinsky, œuvre que les musiciens ont encore dans les doigts pour l’avoir donnée triomphalement au Festival d’Aix-en-Provence cet été.(1)
Les différents pupitres se déchaînent et se répondent malicieusement, faisant danser le pantin jusqu’à l’épuisement. La petite harmonie est reine de la fête ici ; flûtes hautbois, bassons rivalisent d’espièglerie. Devant eux, le piano, central sur scène comme dans la partition, est tenu par un certain Bertrand Chamayou ...
Quoi de mieux que Petrouchka pour se mettre en jambe avant le fugace mais intense Premier Concerto op. 10 de Prokofiev ? Cette œuvre créée en 1912, soit un an après Petrouchka, laisse entendre tout le génie du jeune compositeur et des inventions rythmiques qu’il distillera dans les quatre concertos à suivre. Bertrand Chamayou ne tombe pas dans le piège de la mécanique parfois rugueuse de cette pièce. Il fait face à l’orchestre avant de se fondre dans les cordes durant l’Andante assai. Le troisième mouvement, virtuose, se clôt par une ascension stratosphérique avec le retour du thème éclatant. Musicalement, nous atteignons l’un des sommets de la soirée. Programme russe oblige, Chamayou choisit comme bis la si touchante Alouette du bon vieux Glinka, transcrite par Balakirev. On touche alors au sublime, la main droite du soliste contenant toute l’âme russe.
© Sophie Le Roux
Le Chœur de l’Orchestre de Paris est un personnage de premier plan dans cette symphonie vocale. On apprécie l’excellente forme à laquelle nous a habitué ce chœur « amateur », ici préparé par son nouveau chef, l’Anglais Richard Wilberforce. A ses côtés, le chœur du Centre Musical d’Helsinki, le Musiikkitalon, complète la distribution. L’ensemble nous fait entendre l’appel sacré des cloches, avec légèreté mais aussi noirceur quand les tocsins malheureux résonnent. On notera toutefois un certain déséquilibre en faveur des voix de femmes et au détriment des basses profondes si nécessaires à cette œuvre.
Trois solistes les accompagnent. Si le ténor Pavel Petrov peine à se faire entendre dans le premier mouvement face à l’imposant chœur et à l’orchestre, la soprano Olga Peretyatko se distingue en revanche dans le majestueux Lento. Timbre charnu et diction admirable : elle prouve qu’elle fait partie des grandes. Chœur et orchestre se retrouvent seuls dans la troisième section, un angoissant Presto, avant de laisser place au plus beau moment de musique de la soirée. Le Lento lugubre qui referme l’Opus 35 nous plonge dans un climat ténébreux et envoûtant, où s’illustre le merveilleux cor anglais de Gildas Prado dont l’entrée touche presque au mystique. Et lorsque la voix ample du baryton Alexey Markov se joint à sa mélodie, on comprend aisément pourquoi cette œuvre était la préférée de Rachmaninov ...
Avec un art des couleurs saisissant, l’Orchestre de Paris fait ressortir finement toutes les richesses de la partition. Sous la conduite de Klaus Mäkelä, chaque pupitre semble libre, guidé par l’énergie fascinante du jeune chef finlandais – bien qu’un rien excessive dans Petrouchka. Mais ce qui fascine surtout, ce sont les sourires des instrumentistes : aucun doute, ils sont heureux de reprendre le chemin du concert !
Paris, Philharmonie, 17 septembre 2023 (concert diffusé en direct sur Radio Classique).
Photo © Sophie Le Roux
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