Formé par Rachel Podger et Reinhard Goebel entre autres, Johannes Pramsohler (né en 1980) compte parmi les plus remarquables violonistes baroques d’aujourd’hui et son Ensemble Diderot (photo) parmi les meilleures formations se consacrant à la musique des XVIIe et XVIIIe siècles. On ne le sait pas toujours assez en France.
 

Johannes Pramsohler pendant l'enregistrement du programme Goldberg - W.F. Bach © Emanuel Altenburger

Des mordus de la sonate en trio
 
Fondée en 2008 à Paris par Pramsohler, l’Ensemble Diderot a donné jour à une riche discographie (pour le label Audax) embrassant l’Europe baroque dans toute sa variété. Si, parfois, les Diderot abordent un auteur célèbre (ils ont signé une superbe Offrande musicale de Bach au printemps dernier), leur curiosité les conduit à surtout défendre des pages plus rares, dans le domaine de la sonate en trio en particulier.
 
Ce pan du répertoire a ainsi été mis à l’honneur dans quatre albums bâtis autour de grandes cités musicales : Dresde, Paris, Londres, Berlin – cette dernière fournissant prétexte à la réunion de pages de Benda, Graun, Kirnberger, Schulz, Jantisch et ... la Princesse Anna Amilia de Prusse !
Á côté de programmes diversifiés de la sorte, le catalogue Audax en comporte d’autres, monographiques, telle cette admirable version des Sonates en trio op. 4 de Jean-Marie Leclair ­ – un auteur particulièrement cher à Pramsohler, interprète très curieux des débuts de la littérature de violon française (une passionnante anthologie de concertos signés Leclair, Corrette, Aubert, Exaudet et Quentin en témoigne par ailleurs).
 

(De g. à dr.) : Johannes Pramsoher, Philippe Grisvard, Gulrim Choï & Roldán Barnabé © Edouard Brane
 
Elève de Jean-Sébastien et Wilhelm Friedemann Bach
 
Tandis que l’Ensemble Diderot s’apprête à fêter ses 15 ans à la salle Cortot le 12 novembre prochain, un nouvel enregistrement de sonates en trio paraît. C’est du côté de l’Allemagne que Pramsohler et ses partenaires (Roldán Barnabé, violon ; Gulrim Choï, violoncelle et Philippe Grisvard, clavecin) regardent cette fois avec des pages de Johann Gottlieb Goldberg (1727-1756), élève de Jean-Sébastien Bach précocement disparu dont le nom demeure à jamais associé aux Variations BWV 988. Claveciniste, Goldberg était aussi compositeur et, avec les quatre sonates en trio (Ut majeur/ Ut majeur / Sol mineur/ Si bémol majeur) choisies par les Diderot se révèle un art dont la solidité et la rigueur vont de pair avec une grande invention mélodique et de belles trouvailles harmoniques.
Autant de caractéristiques que les interprètes s’attachent à rendre avec la plénitude du chant, l’intensité du dialogue et la perfection instrumentale qu’on leur connaît. On n’est pas moins séduit par la présence au cœur du programme d’une Sonate en trio en si bémol majeur de Wilhem Friedemann Bach (1810-1884). Tendresse et vivacité se mêlent dans une pièce qui vient rappeler que le musicien fut aussi professeur de Goldberg – et que son exemple ne demeura pas sans écho chez son cadet ...
 

Audax 11203
 
Deux anniversaires en une soirée
 
La soirée à Cortot marquera donc les 15 ans de l’Ensemble Diderot (qui jouera Goldberg et W.F. Bach en première partie), mais aussi le 10e anniversaire du label Audax. Si la musique baroque y occupe une place de choix, on aurait bien tort d’imaginer son catalogue cantonné à ce domaine. Les XIXe et XXe siècle y ont également droit de cité et, là encore, la curiosité, les répertoires inattendus sont mis avant. Citons, par exemple, le rare Edipo a Colono de Rossini, avec Nahuel Di Pierro en tête de distribution, ou encore des mélodies rares – Albéniz, Dussaut et Covatti – par la soprano Adriana González (1) et Iñaki Encina Oyón au piano.
 

Audax ADX 11209
 
A deux voix
 
Ces deux derniers, avec le renfort de la mezzo Marina Viotti font l’actualité du label Audax. Ils proposent en effet un séduisant album « A deux voix » rassemblant des duos (parfois en première mondiale) signés Widor, Fauré, Gounod, Franck, Chausson, Lalo, mais aussi Paladilhe, Devéria, Chaminade, Puget ou Viardot. Idéalement complémentaires, les voix de González et Viotti invitent à un voyage aussi charmeur qu’inattendu dans le répertoire français du XIXe et du début du XXe siècle. Les deux chanteuses seront au rendez-vous de Cortot avec leur accompagnateur et reprendront des extraits de leur nouvel enregistrement en seconde partie de soirée. Une belle et éclectique fin de dimanche s’annonce ...
 
Alain Cochard