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Bach par Agnès Boissonnot-Guilbault et Nora Dargazanli – Une convaincante appropriation – Compte-rendu
Agnès Boissonnot-Guilbault s’est formée auprès de Yuka Saïto, Marianne Muller et Christophe Coin et, dès 2018, comptait parmi les lauréats du Concours Bach-Abel de Köthen, prestigieuse compétition s’il en est dans le domaine de la viole de gambe. Co-fondatrice de l’ensemble de basses Cet étrange éclat (2e Prix du très avisé Concours du Val-de-Loire en 2019), elle s’est distinguée avec celui-ci en enregistrant un album pour le label Initiale.(1) Reste que la gambiste collabore avec d’autres remarquables formations telles que Les Epopées, I Gemelli ou Près de votre oreille. Au sein de Cet étrange éclat, Agnès Boissonnot-Guilbault côtoie la claveciniste Nora Dargazanli (2), comme elle issue du CNSMDP (où elle a travaillé avec Blandine Rannou et Olivier Baumont). Fortes de cette proximité, les deux jeunes interprètes signent leur premier enregistrement en duo (3), qui marque en outre la naissance d’un nouveau label : Bathos Records.
Un premier disque pour lequel elles ont décidé d’oser en transcrivant pour viole et clavecin les Suites françaises nos 1, 2 et 5 de Jean-Sébastien Bach. Transcrire Bach ? Le deux jeunes femmes ne font après tout que suivre l’exemple d’un maître qui s’illustra tant et plus dans cet exercice. Et, surtout, elle le font avec un talent fou. Ce devant les micros comme en public : le concert de sortie de l’enregistrement le 24 février à l’église réformée des Batignolles a permis de le vérifier.
© DR
« Les suites françaises, soulignent les interprètes, bien que très clavecinistiques, sont particulièrement mélodiques et fréquemment écrites à deux voix, donnant l’opportunité à la viole de s’épanouir assez naturellement à la place de la main droite du clavecin par rapport à d’autres œuvres de Bach, plus polyphoniques et contrapuntiques ». Et Agnès Boissonnot-Guilbault et Nora Dargazanli de se saisir de l’opportunité et de s’approprier les BWV 816, 813 et 812. On ne les apprécie que plus ici chacun s’offrant précédé d’une pièce française (arrangement pour la première, originaux s’agissant des deux autres) : le Second Prélude de L’Art de toucher le clavecin de Couperin avant la Suite n° 5 ; le Prélude de la Suite en ut mineur (Livre III) de Marin Marais pour la 2e Suite ; le Prélude de la Suite en ré mineur (Livre II) de Caix d’Hervelois tenant enfin lieu de portique à la 1ère Suite.
L’agencement du programme n’est évidemment pas étranger à la réussite, mais c’est d’abord l’équilibre des arrangements, la complicité dans le dialogue, le sens des caractères et l’accord permanent du son de la viole à ceux-ci, parfaitement centré dans les pages rapides, plus tendre là où le lyrisme le permet, qui forcent l’admiration. De bout en bout, la pertinence du projet d’Agnès Boissonnot-Guilbault et Nora Dargazanli, l’intelligence et la conviction de leur propos sont une évidence pour l’auditeur. Evidence et bonheur sans mélange.
Alain Cochard
Paris, église réformée des Batignolles, 24 février 2024
(1) « Sfumato » - 1 CD Initiale (le label du CNSMDP)
(2) Claveciniste que nous avions beaucoup appréciée au sein du Consort lors du 37e Festival de Musique Sacrée de Perpignan en 2023 : www.concertclassic.com/article/37e-festival-de-musique-sacree-de-perpignan-de-la-perse-langleterre-compte-rendu
(3) Bach : Suites françaises – 1 CD Bathos Records 2301
Photo © DR
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