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Célia Oneto Bensaid joue Marie Jaëll – L’exploratrice inspirée
Il y a deux ans, Célia Oneto Bensaid livrait un saisissant enregistrement (1CD Présence Compositrices) de Ce que l’on entend de Marie Jaëll (1846-1925), recueil tardif et prophétique d’après la Divine Comédie de Dante – et pur exemple de musique minimaliste daté de ... 1894 ! (1) Cette fois, c’est au commencement de la carrière de la compositrice alsacienne que s’intéresse la pianiste avec le Concerto n° 1 en ré mineur, défendu avec une poigne et un feu admirables, en parfaite complicité avec Débora Waldman et l’Orchestre national Avignon Provence ( 1 CD #NoMadMusic) (2). Elaboré en 1877 par une virtuose et compositrice de 31 ans, le Concerto n°1 est déconseillé aux tièdes. Rigoureusement.
Un vrai défi physique
« Mon dieu, que c’est virtuose !, se dit-on en ouvrant la partition ! Un vrai défi physique, avoue Célia Oneto Bensaid. De bout en bout le soliste est sollicité, parfois à la frontière de l’injouable, et doit s’impliquer totalement. La fougue de la jeunesse s’exprime au moyen d’un langage très romantique, avec des thèmes merveilleux – le mouvement lent est particulièrement réussi – et beaucoup d’octaves.» Composition très symphonique, l’ouvrage, présente « une écriture marquée par l’esthétique germanique, avec une orchestration très dense, poursuit-elle. On n’y trouve pas de cadence véritable, plutôt des cadences cachées, comme avec le solo, assez diabolique, qui ouvre l’Allegro con brio final. »
Des partenaires très investis
La réussite de la version que signe Célia Oneto Bensaid tient aussi à l’intensité du dialogue avec Débora Waldman. « Une cheffe très engagée qui ne craint pas de s’aventurer sur des répertoires rares, se félicite l’une des pianistes françaises les plus découvreuses d’aujourd’hui. Ça a été une très belle rencontre musicale, une collaboration enrichissante avec beaucoup d’écoute mutuelle ; nous avons mis un grand soin à rendre le mieux possible le Concerto n° 1. Je suis très reconnaissante envers les musiciens avignonnais pour la façon dont, emmenés par Débora, ils ont totalement embrassé ce projet. »
Un logique couplage lisztien
Une projet que complète une non moins convaincante interprétation du Concerto n° 1 de Liszt, vivante, engagée, fusante, mais exempte du tape-à-l’œil auquel l’œuvre peut facilement prêter le flanc. La pièce trouve d’autant plus légitimement sa place auprès de celle de Marie Jaëll qu’une admiration réciproque unissait les deux artistes et que la compositrice joua l’ouvrage en concert plus d’une quinzaine de fois. En guise de transition entre les deux partitions, Célia Oneto Bensaid a eu la bonne idée de choisir la très méconnue Méphisto-Valse n°3, réalisation de 1883, pré-scriabinienne en bien des points, précédée d’une dédicace à Marie Jaëll.
© Lyodoh Kaneko
Une évocation de Marie Jaëll avec l’Orchestre national de Bretagne
Invitée de l’Orchestre national de Bretagne, Célia Oneto Bensaid prendra part à une évocation en musique de la vie de Marie Jaëll, avec la complicité de la cheffe polonaise Anna Duczmal-Mróz et du comédien Benoît Hattet. Outre les Concertos n° 1 de Jaëll et Liszt, on entendra la Suite pour orchestre op. 49 de Saint-Saëns – dédicataire du 1er Concerto de Jaëll –, la Pavane de Fauré et le final de la Sonate « La Tempête » de Beethoven. Une manière de rappeler que Jaëll fut la première à donner l’intégrale des 32 Sonates à Paris en 1893 (huit ans donc avant le cycle d’Edouard Risler, parfois présenté comme la première intégrale parisienne). Un beau cadeau que les mélomanes bretons pourront apprécier le 10 mai à Rennes, le 11 à Saint-Pol-de-Léon.
Les Musiques sur l’eau de Rita Strohl : une bombe !
Et notre exploratrice n’a d’ailleurs pas fini de nous surprendre. Après avoir pris part à un merveilleux enregistrement intégral des mélodies de Rita Strohl pour La Boîte à Pépites, Célia Oneto Bensaid – pièce maîtresse de l’association Elles Women Composers d’Héloïse Luzzati – figurera au cœur de l’intégrale de la musique de chambre de Strohl, à paraître chez le même éditeur à la rentrée prochaine.(3) Une intégrale en 3 CD complétée par un triptyque pour piano solo d’une vingtaine de minutes : Musiques sur l’eau (Jeux de Naïades / Barcarolle / Orage) Un ouvrage tout en gammes par tons daté de ... 1903. Un an donc avant que Debussy n’entame sa 1ère Série d’Images, cinq ans avant le Gaspard de la nuit de Ravel. Plus que troublant ... Une véritable bombe – on pèse le mot – dans notre connaissance de la musique française du début du XXe siècle.
Alain Cochard
(2) #NoMadMusic NMM19
(3) Une intégrale à laquelle le remarquable Tanguy de Williencourt prend part aussi, aux côtés d’instrumentistes tels que Shuichi Okada, Alexandre Pascal, Léa Hennino, Claudine Legras, Héloïse Luzzati, Lorraine Campet, Nicolas Baldeyrou, Aurélien Pascal, Raphaëlle Moreau, Edgar Moreau, sans oublier la Quatuor Dutilleux pour l’unique quatuor à cordes de Rita Strohl.
Célia Oneto Bensaid, piano /Orchestre national de Bretagne, dir. Anna Duczmal-Mróz / Benoît Hattet (récitant).
10 mai 2024, 20h
Rennes - Couvent des Jacobins
11 mai 2024 – 20h30
Saint-Pol-de-Léon – Théâtre Sainte Thérèse
orchestrenationaldebretagne.bzh/
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Photo © Lyodoh Kaneko
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