Les festivals de musique ne sont pas le seul apanage du sud de la France. La Bretagne réserve de jolies surprises aussi : c’est dans l’un des plus beaux secteurs de cette région, la Presqu’île de Crozon, que se déroule le Festival Classic’ à l’Ouest (Camaret, Crozon, Lanvéoc, Roscanvel, Landévennec). Lancée en 2021 au sortir de la crise sanitaire, la manifestation est tout entière placée sous le signe de la musique de chambre depuis l’origine, mais dans une perspective bien plus large que celle du Festival Quatuor à l’Ouest dont elle a pris la succession. Avec Barbara Chambellant à la direction artistique, entourée d’une enthousiaste équipe de bénévoles, la 3e édition, qui se déroulera du 17 au 31 juillet, promet de faire bien des heureux au fil d’une programmation aussi qualitative que variée et accessible. Et ce dans l’atmosphère la plus conviviale qui se puisse trouver – la rencontre avec les musiciens autour d’un verre de cidre après le concert fait partie des sympathiques habitudes du festival.

Un voyage pour commencer, de Vienne à New-York, avec la mezzo Delphine Haidan, Pierre Génisson et Bruno Fontaine, dont le programme éclectique, de Mozart à Benny Goodman, lancera – comme tous ceux de Classic’ à l’Ouest – un clin d’œil à un compositeur breton ; une compositrice en l’occurrence et l’une des plus belles redécouvertes de ces dernières années : la lorientaise Rita Strohl (on entendra la mélodie Le Revenant, sur le poème de Baudelaire, tirée des Poésies mises en musique - 1901). Après ce coup d’envoi vocal et instrumental, le Winds Art Orchestra, une équipe de souffleurs français issus de grandes phalanges symphoniques, prendra le relai (21/07) dans un programme Mozart, Roussel et Beethoven (une version d’époque pour vents de la 7e Symphonie).
 

Centenaire Fauré oblige, Hugues Borsarello et Frank Braley ((24/07) proposeront pour leur part une soirée française violon/piano autour de l’auteur des Barcarolles ; on y croisera Debussy, Boulanger, Ravel, Viardot, Duparc et le brestois Jean Cras. Un voyage dans les salon de la Belle Epoque ... Et une diversité d’auteurs et de climats qui distinguera tout autant le concert réunissant le Trio Arcadis (photo) et les archets de Florent Brannens et Marie-Emeline Charpentier (27/07) puisque leur programme, inspiré par le cinéma, comprendra Mascagni, Schubert, Mozart, Schumann et Brahms. Les contrastes ne manqueront pas non plus lors du concert associant David Guerrier au Quatuor Parisii (28/07) dans des pages pour quatuor à cordes (le Quatuor « La Chasse » de Mozart) ou pour cor/cornet et cordes (dont les fameuses et époustouflantes Variations sur le Carnaval de Venise d’Arban)
 

Jean Cras (1879-1932) © DR

Par l’écoute réciproque et la complicité qu’il requiert entre les deux protagonistes, le piano à quatre mains s’avère de nature profondément chambriste. On s’en convaincra en clôture de festival (31/07) avec le remarquable Geister Duo (David Salmon et Manuel Vieillard) – sacré par le Concours de l’ARD en 2021 – dont l’entente parfaite s’illustrera dans Brahms, Schubert (la Fantaisie  D. 904 et la Sonate D. 67) et  Cras (des extraits des merveilleuses Âmes d’enfants). Bref, la plus poétique conclusion qui se puisse imaginer.
 
Alain Cochard