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Les lauréats du 16e Concours international de piano d’Orléans aux Bouffes du Nord – Piano vivace – Compte-rendu
Tous les deux ans, à chaque édition, le Concours international de piano d’Orléans prouve sa singulière nécessité. Plus qu’une simple mise en concurrence de virtuoses, c’est un festival de curiosité. Fidèle à l’idée Françoise Thinat, sa fondatrice il y a trente ans, les candidats et candidates sont invités à plonger les mains dans l’immense répertoire des 20e et 2e siècles pour en ressortir des trésors classiques ou oubliés.
Misora Ozaki, 3e Prix du concours 2024, ouvre le concert aux Bouffes du Nord avec deux belles brèves pages virtuoses du début du 21e siècle : Une page d’éphéméride (2005), ultime pièce pour piano de Pierre Boulez, soixante après ses fulgurantes Notations, puis la Toccata (2003), cinquième des Études d’Unsuk Chin. Dans ces musiques volontiers labyrinthiques, la pianiste japonaise garde toujours le fil ; sa vivacité fait notamment merveille dans les jeux rythmiques de la compositrice coréenne.
2e Prix à l’issue de la finale deux jours auparavant, le Sud-Africain Leo Gevisser enchaîne trois œuvres fortement contrastées, qu’il avait interprétées lors du 2e tour puis de la demi-finale du concours. Dans D’ombre et de silence, premier des Trois préludes (1973) d’Henri Dutilleux, il pose d’emblée une lecture poétique appuyée sur une capacité remarquable à faire résonner l’instrument en toute clarté. 90+ (1994), diablerie virtuose d’Elliott Carter, est parfaite de fluidité malgré les incessants débordements rythmiques qui se posent sur sa trame. Pour finir, le pianiste, qui a reçu le prix du public à Orléans, se fait plaisir avec In the Kraton, dixième pièce de la Java Suite (1925) de Leopold Godowsky, bien équilibrée entre jeux de timbres et gestes spectaculaires.
Au cours de la soirée, l’Ukrainienne Svetlana Andreeva fait trois apparitions. Toutes trois donnent raison au jury du concours qui lui a attribué le 1er Prix (ainsi que la bourse Blanche Selva et les prix d’interprétation Edison Denisov et Samson François). Shéhérazade, extrait des Masques (1916) de Karol Szymanowski, se déploie avec une opulence de couleurs et une grande force dramatique. Plus intérieur mais non moins riche en couleurs, Noël, tiré des Vingt regards sur l’Enfant-Jésus (1944) d’Olivier Messiaen, trouve ici une interprète inspirée, qui fait sonner son instrument presque comme un orgue, avec des graves puissants soutenant une vision mélodique lumineuse.
Vers les univers sonores inouïs de Bastien David
Quand elle revient, après un changement de plateau, Svetlana Andreeva est accompagnée de deux anciens lauréats (également membres du jury cette année), Winston Choi et Imri Talgam, et des musiciens de l’Ensemble Intercontemporain. Les trois pianistes se partagent le clavier tandis que les percussionnistes Gilles Durot et Samuel Favre s’affairent au-dessus des cordes. On reconnaît dès les premières mesures la façon qu’a Bastien David de nous mener vers des univers sonores inouïs tout en inventant un autre rapport – auditif et visuel – avec l’instrument. Le jeu sur les cordes transforme l’image sonore du piano en même temps que le mouvement des interprètes dessine autour de lui comme un ballet. L’écriture de Bastien David prend le temps de nous installer dans cet environnement sonore avant de libérer peu à peu les forces rythmiques – la pièce s’intitule Je suis orage – de l’ensemble, qui viennent tantôt nourrir, tantôt contrarier des états harmoniques changeants, entre lisibles zébrures et nébulosité. Le compositeur de 33 ans signe ici une œuvre d’une énergie folle, puissamment communicative, parfaitement emmenée par la direction enflammée de Léo Margue.
Jean-Guillaume Lebrun
Paris, Bouffes du Nord, 4 novembre 2024
Site du concours : oci-piano.com
Photo : Misora Ozaki, Leo Gevisser & Svetlana Andreeva © Patrick Nachbaur
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