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​Il Turco in Italia à l’Opéra de Lyon – Noël, Pelly sont des mots qui vont très bien ensemble – Compte-rendu

Ce n’est ni une opérette, ni un spectacle en lien avec le christianisme que l’Opéra de Lyon a choisi de programmer cette année pour les fêtes. Le pétillant attendu en décembre n’en est pas moins au rendez-vous, et l’on a pour cela misé sur une valeur sûre, puisque c’est un spectacle de Laurent Pelly qui est à l’affiche jusqu’à la Saint-Sylvestre ou presque. Après tant de mémorables productions offenbachiennes, c’est à nouveau en rossinien que le metteur en scène fait son retour puisqu’il avait offert au public lyonnais sa vision du Comte Ory en 2014.
 

© Paul Bourdrel
 
Comme le rappelle Richard Brunel avant le lever du rideau, il semble que Le Turc en Italie n’ait jamais été donné dans la capitale des gaules. Du reste, c’est plutôt le Rossini serio que le XXIsiècle a mis à l’honneur à l’Opéra de Lyon, à part une Cenerentola en 2017, et il n’est donc pas malvenu de proposer un titre buffo, après Guillaume Tell en 2019 et Moïse et Pharaon en 2023. D’autant que le Turc a pu inspirer diverses lectures post-modernes, grâce à la mise en abyme du livret qui inclut un « poète » en mal d’inspiration pour sa prochaine pièce. L’Italie de 1814 est projetée par Laurent Pelly un siècle et demi plus tard, et l’héroïne devient une grande lectrice de romans-photos. Le programme de salle nous apprend que le genre naquit en Italie dans l’immédiat après-guerre, et ce sont quelques exemples typiques qui servent de rideau (la couverture de Carina, numéro d’août 1971) et d’éléments de décor, en complément des pavillons de banlieue qu’habitent le couple Geronio-Fiorilla et leur voisin Prosdocimo. Particulièrement réussies se révèlent l’arrivée de Turc, torse nu sous son smoking blanc, juché à la proue de son « navire », ou la scène du bal qui voit se multiplier les couples identiques, chœur compris, à la gestuelle délibérément répétitive. Les personnages adoptent tour à tour les poses stéréotypes des protagonistes de fotoromanzo, souvent dans des cadres blancs évoquant ceux qui entourent les images dans ce genre de publication.
 

© Paul Bourdrel

C’est aussi le pétillement que vise Giacomo Sagripanti à la tête de l’orchestre de l’Opéra de Lyon (1), mais avec des tempos vraiment trop rapides pour éviter les décalages entre la fosse et le plateau. Malgré la maîtrise du chant syllabique dont font preuve les chanteurs, rompus au style rossinien, on sent bien que la baguette du chef fouette un peu trop les interprètes, et c’est regrettable, surtout dans les ensembles où certains flottements sont perceptibles. Transformé en invraisemblable orchestre tzigane seventies, le Chœur de l’Opéra de Lyon se montre pourtant très investi dans cette production, et la distribution, sans être totalement irréprochable, inclut quelques personnalités remarquables.
 

© Paul Bourdrel

 Les plus petits rôles sont confiés à deux solistes du Lyon Opéra Studio : si Filipp Varik a vraiment très peu à chanter en Albazar, on remarque le timbre et la présence scénique de Jenny Anne Flory en Zaida. En dehors de sa participation à quelques ensembles, Prosdocimo a surtout des récitatifs à chanter, mais Florian Sempey n’en impose pas moins un personnage haut en couleurs, peignoir décoloré et cheveux gras, écrivain besogneux et pourtant davantage maître du jeu que dans certaines productions. Tignasse rousse et nœud papillon, Alasdair Kent semble sorti d’une illustration de Norman Rockwell, mais le ténor britannique, brillant mozartien, manque ici un peu d’italianità.
 

Giacomo Sagripanti © giocomosagripanti.com 

Adrian Sâmpetrean confère au Turc de belles couleurs graves et une prestance physique aptes à conquérir Fiorilla, qui forme avec son mari un couple presque aussi mal assorti que, jadis, Felicity Lott et Michel Sénéchal en Hélène et Ménélas. Doté d’une admirable projection, Renato Girolami surmonte haut la main les difficultés de son rôle, accentuée par la rapidité des tempos. Quant à Sara Blanch, si l’on peut préférer une voix plus corsée pour l’héroïne, elle éblouit par sa vivacité et par sa maîtrise de la virtuosité, en particulier dans son air de bravoure « Squallida veste, e bruna ».

Laurent Bury

> Les prochains concerts "Rossini" <

(1) Les représentations de 27 et 29 décembre seront dirigées par Clément Lonca

 
Rossini : Il Turco in Italia – Lyon, Opéra, 11 décembre, prochaines représentations les 13, 15, 17, 19, 21, 23, 27, 29 décembre 2024 // www.opera-lyon.com/fr/programmation/saison-2024-2025/opera/le-turc-en-italie

Photo © Paul Bourdrel

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