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Le Grand Mogol d’Edmond Audran à l’Odéon de Marseille – Un puceau nommé Mignapour – Compte rendu
En cette année de centenaire de son Opéra, il est bon de ne pas oublier que Marseille fut, et demeure malgré les temps difficiles traversés actuellement, une place forte de l’opérette en France. 148 ans après sa création, jour pour jour à 24 heures près, et vingt-deux ans après sa dernière représentation in loco, on a pu entendre Le Grand Mogol à deux reprises à l’Odéon. Et l’ouvrage du compositeur lyonnais Edmond Audran a séduit dans une nouvelle production signée Yves Coudray.
Edmond Audran (1840-1901) par Nadar © Palazzetto Bru Zane - fonds Leduc
Il est des titres qui enrichissent la connaissance. Ainsi celui de l’opérette d’Audran rappelle que le grand Mogol est aussi un concerto pour flûte de Vivaldi ( le RV 813), un diamant de légende aujourd’hui disparu, un fromage triple crème, la boutique, elle aussi entrée dans la légende, que Rose Bertin « marchande de mode » ouvrit en 1770 dans la rue du Faubourg Saint-Honoré… Quant au Grand Mogol qui nous intéresse aujourd’hui, il se prénomme Mignapour et doit rester puceau jusqu’à son couronnement sous peine d’être expatrié sans le sou.
Alfred Duru et Henri Chivot, librettistes prolifiques bien connus, s’emparent du sort du jeune prince tombé amoureux d’Irma, parisienne expatriée en Inde en compagnie de son frère Joquelet. Un amour que la princesse Bengaline, veuve et cousine du futur Mogol et qui en pince pour lui et surtout pour le trône, le grand Vizir, qui veut conserver son poste lucratif et Crakson, capitaine anglais amoureux de la française, ne voient pas d’un bon œil … On est à vingt-quatre heures du couronnement et le trio va ourdir un complot.
Gilen Goicoechea (le Vizir), Bengaline (Caroline Gea) et Marc Desmons (Crakson) © Christian Dresse
Sur cet argument, Edmond Audran compose une musique raffinée et chaleureuse. Les instrumentistes de l’orchestre de l’Opéra de Marseille, placés sous la direction de Florent Mayet, procurent toute sa suavité et son exotisme à la partition avec le son et les couleurs idoines. On ne s’ennuie pas une seconde, séduit par l’élégance qui préside au déroulement de l’action. Et le comique de situation s’est départit de toute lourdeur, se suffisant à lui-même. La mise en scène d’Yves Coudray y est pour beaucoup. Dans les décors superbes et chatoyants créés par Loran Martinel qui optimise l’étroitesse du plateau, le metteur en scène maîtrise les déplacements et organise le raffinement des ensembles avec une gestique bien réglée. A signaler aussi la beauté des costumes réalisés pour la circonstance dans les ateliers de l’Opéra de Marseille.
Julia Knecht (Irma), Jérémy Duffau (Mignapour) & Frédéric Cornille (Joquelet) © Christian Dresse
Pour servir cette mise en scène, Yves Coudray a bénéficié d’une distribution idéale. Voix ciselée, jolie frimousse, Julia Knecht et une Irma pétillante et Jérémy Duffau (Mignapour) (photo), en prince énamouré, joue avec sa voix, timbre agréable qui peut devenir plus grave sans peine pour sa partie travestie du fakir. Caroline Gea (photo) est une princesse Bengaline très « caliente » avec une expression chaude et sensuelle ; à ses côtés Gilen Goicoechea offre un idéal Iznogoud d’opérette puissant dans les graves. Le Joquelet de Frédéric Cornille est bien en place, tant scéniquement que vocalement, et le capitaine Crakson, rôle parlé à 95 %, est joué dans un franglais parfaitement désopilant par Dominique Desmons.
Le Chœur Phocéen préparé par Rémi Littolff, souvent sollicité, tient bon la note, Sabrina Kilouli, Damien Barra, Jacques Freschel et Corentin Cuvelier s’en extrayant pour donner vie avec bonheur à quatre comprimari. Un plateau fort complété esthétiquement par des danseuses et danseurs qui ont contribué aussi au succès de l’ensemble.
Comme nombre de productions d’opérette proposées chaque année à l’Odéon, ce Grand Mogol mériterait de vivre un peu plus que deux représentations. La mise en scène existe, décors et costumes aussi, soit des coûts en moins pour d’éventuelles reprises. A l’heure où la crise affaiblit les saisons ce serait peut-être à étudier, non ?
Michel Egéa
> Les prochains concerts en région PACA <
Audran : Le Grand Mogol – Marseille, Odéon, 26 janvier 2025. Prochaine opérette programmée : La Belle Hélène les 22 & 23 février 2025
opera-odeon.marseille.fr
© Christian Dresse
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