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Hanna Salzenstein et Le Consort aux sources du concerto pour violoncelle – Suite en amicale compagnie
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« E il violoncello suonò » : le premier enregistrement en soliste d’Hanna Salzenstein était une pleine réussite ; on a eu l’occasion l’an passé de le souligner, et de donner la parole à l’interprète. (1) Elle a de la suite dans les idées et, après ce programme axé sur la musique de chambre et le solo, la violoncelliste envisage cette fois l’émancipation de son instrument au début du XVIIIe en Italie sous l’angle concertant, toujours pour le label Mirare.(2) Un second volet tout aussi convaincant, d’autant que l’artiste peut compter sur la présence de l’ensemble Le Consort : Théotime Langlois de Swarte, Sophie de Bardonnèche et Justin Taylor sont bien évidemment là, mais d’autres instrumentistes habitués des activités de l’ensemble en grand effectif prennent part aussi à l’entreprise pour offrir une réplique idéalement complice à une soliste dont le sens poétique et l’engagement captivent de bout en bout.
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Vivaldi, émancipateur en chef
S’intéresser à la naissance du concerto pour violoncelle revient à observer une « marmite en ébullition » pour reprendre la formule du musicologue Olivier Fourès et, inévitablement, à se pencher sur la production d’Antonio Vivaldi – l’émancipateur en chef du violoncelle, pourrait-on dire. Si des auteurs méconnus trouvent place dans le programme d’Hanna Salzenstein, le Prêtre roux y est donc bien représenté, ce dans toute la diversité de son art. On ne résiste pas à ce que la soliste et ses partenaires tirent du sombre et troublant Concerto en ut mineur RV 401 – partition plus que célèbre qui sait ici nous entraîner au-delà de nos habitudes d’écoute –, du vigoureux Concerto pour deux violoncelles RV 531, partagé avec l’excellent Albéric Boullenois, ou encore du Concerto en ut majeur RV 400 dont la luminosité et la plénitude heureuse sont cultivées avec sensibilité.
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Pendant l'enregistrement ... © Robin Davies
Quatre premiers enregistrements mondiaux
À côté de Vivaldi, Salzenstein la découvreuse propose quatre concertos en première mondiale au disque : le très bref mais séduisant Concerto decimo per violoncello obligatto op. 4 de Giuseppe Jacchini (1667-1727), pionnier dans le domaine de la musique concertante pour violoncelle ; un concerto anonyme – venu de la Bibliothèque nationale de France –, d’une vitalité et d’un élan très vivaldiens ; ou le Concerto en sol mineur de Giorgio Antoniotti (1681-1766) que la violoncelliste a sorti d’un long sommeil à la Bibliothèque du Congrès de Washington : une partition délicate avec un finale en forme de menuet qui offre un savoureux dialogue entre la soliste et le basson d’Evolène Kiener. Giovanni Benedetto Platti, déjà inclus dans le précédent enregistrement d’Hanna Salzenstein, est quant à lui représenté par le Concerto en ré majeur WD 651 dont la prégnance lyrique est aussi bien soulignée que l'avenante et dansante galanterie.
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© Manuel Braun
Dall’Abaco de retour
Si le concerto constitue le fil conducteur du programme, Hanna Salzenstein n’en oublie pas pour autant la musique pour violoncelle seul. « E il violoncello suonò » comprenait les Caprices I, IV et VI de Giuseppe Maria dall’Abaco ; on n’est pas moins admiratif de la secrète fantaisie que l’interprète apporte cette fois aux nos II et X, respirations-transitions bienvenues entre les concertos, au même titre que le preste Ricercar en ut majeur d’un auteur dont le parcours reste fort mystérieux : Niccolò Sanguinazzo.
Original et d’une écoute toujours stimulante, le nouvel enregistrement d’Hanna Salzenstein donne envie de la retrouver le 4 mars à Paris (au Lavoir Moderne Parisien) pour un concert en mode intimiste qui comprendra des pages pour violoncelle seul de Bach et Dall’Abaco et d’autres avec basse continue, signées Taglietti, De Ruvo et Vivaldi, pour lesquelles elle sera entourée d’Arthur Cambreling (violoncelle) et Thibaut Roussel (théorbe). Quant au domaine concertant : c’est au Festival de violoncelle de Beauvais que l’on entendra l’artiste, le 25 mai, aux côtés de Théotime Langlois de Swarte et du Consort pour un tout-Vivaldi qui promet de faire bien des heureux. (3)
Alain Cochard
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(1) www.concertclassic.com/article/rencontre-avec-hanna-salzenstein-violoncelle-poete
(2) « Concerti per violoncello » - 1 CD Mirare / MIR 760
(3) www.festivalvioloncellebeauvais.com/programme-2025
Hanna Salzenstein, Arthur Cambreling & Thibaut Roussel
Œuvres de Bach, Dall’Abaco, Taglietti, De Ruvo & Vivaldi
4 mars 2025 – 20h30
Paris - Le Lavoir Moderne Parisien ( 35, rue Léon – 75018/Paris – M° Château Rouge)
www.seetickets.com/fr/event/hanna-salzenstein/lavoir-moderne-parisien/3256416
http://www.seetickets.com/fr/event/hanna-salzenstein/lavoir-moderne-parisien/3256416
Photo © Manuel Braun
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