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Les Aventures du Roi Pausole au Grand Théâtre de Genève - Esprit et tact - Compte-rendu
Il y a trop longtemps que Paris n’a pas entendu Les Aventures du Roi Pausole d’Arthur Honegger(1), se disait-on en partant découvrir le spectacle proposé par le Grand Théâtre de Genève… Plutôt que de jouer la carte, un peu convenue, de l’opérette viennoise ou d’Offenbach pour le spectacle concluant l’année du cinquantenaire de la réouverture de l’institution lyrique helvète(2), Tobias Richter a misé sur l’originalité avec Les Aventures du Roi Pausole (1929-1930). Cette opérette est née de la rencontre d’Honegger (1892-1955) et de l’esprit de Pierre Louÿs (1870-1925) par l’intermédiaire d’Albert Willemetz (1887-1964) qui a tiré du roman éponyme de l’écrivain un livret aux petits oignons. Cet excellent choix, outre qu’il éclaire une facette méconnue de l’art du compositeur, aura permis de découvrir la première mise en scène lyrique du Neuchâtelois Robert Sandoz. Une franche réussite.
Parcours original que celui d’un artiste né en 1975 qui, après des études de droit, d’histoire et de philosophie, s’est tourné vers le rock (il est membre du groupe Les Pelouses Brothers) et la chanson et est parti à la découverte du théâtre en assistant des metteurs en scène tels que Hervé Loichemol ou Olivier Py. Par sa saveur licencieuse, l’opérette d’Honegger tend un miroir à notre époque ; un piège aussi. D’autres, du genre «en prise avec l’actualité », se seraient engouffrés dans cette affaire avec les gros sabots, la méchanceté bête et le conformisme travestis en humour et audace que tant d’ « humoristes » cultivent ad nauseam.
A l’instar d’Honegger, qui a su lire et se faire l’écho, sans jamais rien forcer, du formidable livret de Louÿs/ Willemetz, Robert Sandoz s’est mis à l’unisson de la partition et s’il est une qualité qu’il faut avant tout louer dans son travail c’est la musicalité. Les décors sobres et bien pensés de Gian Maurizio Fercioni (qui signe aussi de parfaits costumes) contribuent au succès d’un spectacle fluide et finement réglé. La poésie et l’humour licencieux des Aventures s’épanouissent avec tact. Robert Sandoz a concocté un délectable met de fin d’année ; il n’oublie en rien les épices mais comprend que l’excès en la matière serait fatal.
Et des quels alliés de premier ordre dispose-t-il avec la distribution idéale réunie pour l’occasion ! Formidable Roi Pausole, Jean-Philippe Lafont règne sur Tryphème avec un mélange de lassitude débonnaire et de verve. D’emblée on comprend qu’avec l’eunuque Taxis de Mark Milhofer et la Dame Perchuque, aussi pincée que son tailleur lui sangle la taille, de Doris Lamprecht ont tient deux interprètes haut en couleur. La fuite de la Blanche Aline, dans les bras de Mirabelle, qui a été prise pour un jeune homme, est le ressort principal de l’ouvrage. Sophie Angebault fait totalement corps avec un personnage qui passe de l’oie blanche à un ton bien déluré ; exploitant à merveille les ambiguïtés de son rôle travesti, Lamia Beuque l’y aide grandement. D’une belle santé tant vocale que scénique, Loïc Felix campe un page Giglio aussi souriant que chaud lapin, tandis qu’Ingrid Perruche, en Diane à la Houppe, comprend l’impatience de celle qui languit depuis un an – 365 femmes, une par jour, ainsi en va-t-il à Tryphème... Piquante Thierrette d’Elisa Cenni, drôlissime Métayère d’Alexandre Diakoff et forces chorales impeccables.
Pour la première fois dans la fosse du Grand Théâtre, la baguette de Claude Schnitzler se montre toujours à l’écoute du plateau et apporte un piquant et une simplicité un brin bonhomme à la production.
Alain Cochard
(1) L’œuvre a été montée en 2004 à la Salle Favart, dans une mise en scène de Mireille Larroche.
(2) Ravagé par un incendie en 1951, le Grand Théâtre a rouvert ses portes en 1962
Honegger : Les Aventures du Roi Pausole – Genève, Grand Théâtre, 29 décembre 2012
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Photo : Yunus Durukan
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