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Elektra à l’Opéra de Marseille - Les Atrides sur la cannebière - Compte-rendu
Vertigineuse contre-plongée sur les bas-fonds et les trois niveaux d'un palais : le très beau décor en perspective d'Emmanuelle Favre frappe aussi fort l'attention du public que les premiers accords de l'œuvre coup de poing de Strauss. Pourtant aussi bien utilisé, éclairé, habité par les protagonistes soit-il, il ne suffit pas à rendre le spectacle de Charles Roubaud inoubliable. La faute d’abord à la direction morcelée de Pinchas Steinberg qui, comme à son habitude, privilégie la multiplicité des sources sonores, en les isolant au lieu de les unir, ce qui dans ce type d'orchestration ne fait que ressortir l'aspect clinquant et pompier d'une partition qui vaut mieux que cela.
On souffre ensuite d'entendre Jeanne-Michèle Charbonnet, dont l'âge est loin d'être canonique, hurler ce qui lui reste de voix pour venir à bout du rôle meurtrier d'Elektra, qui la dépasse physiquement et intellectuellement. Son timbre éraillé, ses aigus lancés à l'aveugle et l'absence de ligne de chant prennent tant de place que tout tentative d'interprétation est réduite à néant. Sans remonter au temps glorieux des Borkh, Varnay ou Nilsson, le souvenir encore proche de Jones, de Behrens ou de Polaski nous fait craindre un âge d'or perdu.
A côté de cette lourde pythie en dreadlocks et godillots qui remonte ses jupes et se frotte sur la hache précieusement conservée (ah quelle trouvaille !), la présence de Ricarda Merbeth, Crysothémis au physique proche de Lilian Gish, avait tout pour séduire. Mais qu'est-il arrivé à son souple et aérien soprano lyrique qui faisait tout le prix de sa Sieglinde parisienne ? Ici peu de lumière, de liquidité ou de transparence, mais au contraire un concert de décibels, des accents véhéments qui couvrent l’orchestre et écrasent sa collègue. Faut-il y déceler une vengeance préméditée, ou l'annonce de la nouvelle Merbeth ? A suivre.
Clytemnestre, la mère insomniaque et détestée, qui arpente les étages de ce palais vide suivie de sa cour, convient plutôt bien à Marie-Ange Todorovitch qui compose un personnage doté d'une forte présence. Mais cette voix médiane, au timbre enroué montre rapidement ses limites et termine dans un déferlement de rires bien inutiles. Belles surprises chez les messieurs avec l'Oreste élégamment timbré de Nicolas Cavallier, théâtralement solide et émouvant lors des retrouvailles avec sa sœur, et l'Aegisthe parfaitement chanté de Patrick Raftery. Belles interventions enfin, des servantes, surveillantes et domestiques. Dommage.
François Lesueur
R. Strauss : Elektra – Marseille, Opéra, 16 février 2013
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Photo : Christian Dresse
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