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Du piano au pianoforte - 3 questions à Pierre Bouyer, pianofortiste
Passionné par le pianoforte, Pierre Bouyer a créé il y a quinze ans le label « Diligence » pour lequel il a enregistré des œuvres de Haydn, Mozart, Beethoven, Cramer. Il vient de faire paraître un coffret Schumann où les Kreisleriana et la Fantaisie sont jouées sur trois instruments de marques et d’époques différentes (1).
Concertclassic a interrogé l’artiste à l’approche du concert qu’il donne en compagnie de la violoniste Nicole Tamestit, le 18 mars au Théâtre Adyar.
Pourquoi cet enregistrement Schumann ?
Pierre BOUYER : En fait, mon parcours est, à l’origine, assez classique. J’ai travaillé le piano avec Yvonne Lefébure et Charles Lilamand - un interprète exceptionnel que l’on a un peu oublié -, puis je suis entré au Conservatoire de Paris où j’ai obtenu un Prix. La rencontre avec Antoine Geoffroy-Dechaume m’a fait pénétrer les arcanes du clavecin, ce qui a été décisif dans mon évolution. En réalité, je suis un autodidacte du pianoforte auquel je me suis particulièrement intéressé au contact de musiciens comme Paul Badura-Skoda ou Jörg Demus. Avec l’expérience, j’ai acquis une bonne connaissance de ces instruments et j’ai d’ailleurs acheté un fortepiano Erard 1837 que j’ai mis à contribution dans cet enregistrement. Mon intérêt pour Schumann ne date pas d’aujourd’hui et il me correspond bien. En outre, l’un des interprètes schumanniens par excellence, Walter Gieseking, a toujours représenté pour moi un exemple. J’ai donc pensé tout de suite à Schumann plutôt qu’à Chopin ou Liszt en me lançant dans ce projet d’enregistrement dans trois versions différentes. Jusqu’à présent, les critiques musicaux, lors de la parution de mes précédents CD, s’intéressaient plus aux instruments qu’à l’interprétation proprement dite. Il m’a semblé que comparer pianoforte et piano moderne dans des mêmes œuvres permettrait ainsi non seulement de juger la sonorité des instruments, mais aussi de mieux juger ma façon de jouer.
Quelle différence voyez-vous entre ces différents instruments ?
P. B. : Ils possèdent chacun leurs caractéristiques propres : le Streicher de 1856 a une mécanique viennoise qui chante très bien, mais son toucher est très court ; l’Erard de 1837 est plutôt une machine de guerre que peu de pianistes peuvent jouer. Bien restauré par Christopher Clarke, il a un son symphonique très sombre et c’est le plus difficile à pratiquer. J’ai eu des moments de doute, mais le résultat est attachant, plus d’ailleurs dans la Fantaisie que dans les Kreisleriana qui vont trop vite pour lui. Le Fazioli de 1995 est un grand piano de concert, le « Magico Merlino ». J’ai éprouvé une véritable émotion à me retrouver face à lui ; il est bien plus aisé que l’Erard mais il m’a fallu trouver un timbre particulier et sa richesse harmonique est si grande qu’il faut la maîtriser. Je n’ai disposé que de deux jours pour tout boucler au siège de Fazioli près de Venise, mais cela a été un moment captivant.
Quels sont vos projets ?
P.B. : Dans l’immédiat, je me concentre sur le concert que je donnerai, le 18 mars au Théâtre Adyar, avec la violoniste Nicole Tamestit dans le cadre de la saison « Rive Gauche Musique » autour d’un Salon musical à Vienne 1800-1810. J’utiliserai un pianoforte Bertsche viennois de 1815 – donc contemporain des auteurs au programme - pour jouer deux sonates de Beethoven (la n°5 « Le Printemps » et n°10), l’op 69 n°1 de Dussek et la Sonate op 14 d’Eberl). Le violon italien du XVIIIe utilisé par ma partenaire est monté avec des cordes en boyau. Nous tiendrons évidemment compte des conditions d’exécution de l’époque. Un coffret de deux CD doit paraître en mars où il y aura précisément les mêmes pièces avec, en supplément, des sonates de Kleinheinz et Mederitsch écrites dans les années 1799-1801. C’est une première mondiale. J’ai aussi en projet, pour continuer dans le même registre, la sortie en trois CD de pages datant de la période 1808-1815 et un disque Dussek. D’autre part, je poursuis mon exploration schumannienne avec les Etudes symphoniques dans les différentes éditions, avec les variantes dont celle avec les Variations posthumes. Tout paraît bien sûr sur le label « Diligence », un nom que j’ai choisi parce qu’il sonne bien et qu’il évoque une époque en rapport avec le pianoforte. Et puis « Diligence » peut être compris aussi bien en anglais qu’en français !
Propos recueillis par Michel Le Naour, le 8 mars 2013
(1) Un coffret de 3 CD Schumann / Diligence – DIL091011 (dist. Codaex).
Nicole Tamestit, violon / Pierre Bouyer, pianoforte
Œuvres de Beethoven, Eberl, Dussek
18 mars 2013 – 20h
Paris – Théâtre Adyar
www.rivegauchemusique.fr
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Photo : Franck Ferville
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