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L’Importance d’être constant à Nancy - Wilde selon Barry - Compte-rendu
Curieux de répertoire rare (la Iolanta de Tchaïkovski sera à l’affiche fin avril- début mai), l’Opéra national de Lorraine sait aussi faire place à la création. On vient d’en avoir la preuve avec ce qui constituait la première mondiale en version scénique de L’Importance d’être constant, opéra comique en trois actes (en anglais) que l’Irlandais Gerald Barry (né en 1952) a tiré de la pièce éponyme d’Oscar Wilde (un ouvrage dont la création en version de concert a eu lieu à Los Angeles le 7 avril 2011).
Le rideau se lève sur un gigantesque cake-stand à trois plateaux dont l’axe central est constitué d’un escalier à colimaçon ; les couleurs et les divers accessoires signifient que l’action se situe au début des années 1930. Ce décor unique et particulièrement bien trouvé d’Annemarie Woods offre à Sam Brown le cadre d’un spectacle minutieusement réglé, qui s’accorde parfaitement à la densité et au rythme soutenu d’une partition très ramassée - et emplie de chausse-trapes pour ses interprètes ! Auteur du livret, Barry a su condenser le texte de Wilde sans en perdre la saveur (son ouvrage tient en à peine une heure et demie).
D’aucuns s’attendaient à un composition comique d’une légèreté insouciante. C’est d’une tout autre manière que le compositeur traite la pièce, projetant sur elle un éclairage où le mordant et l’ironie prennent un aspect étonnamment sombre qui peut dérouter. Un effectif orchestral réduit mais très cuivré porte un ouvrage d’abord singularisé par la dimension rythmique (et il faut sur ce point saluer l’excellence du travail de Tito Muñoz et des musiciens nancéens). Jusqu'au happy end final, les protagonistes sont pris dans une sorte de mécanique infernale et traversent divers épisodes où le comique est restitué de manière souvent très ambiguë, avec une exacerbation délibérée de la trivialité des personnages et des situations (dialogue au mégaphone de Gwendolen et Cecily, assiettes brisées en rafale, coups de pistolet, moments d’exaspération bruitiste pourrait-on dire, et, bien sûr, Lady Bracknell incarnée… par une basse !)
L’option de Gerald Barry ne va pas sans un certain systématisme de l’écriture, que ce soit sur plan orchestral ou vocal, mais l’affaire est si rondement menée, en fosse comme sur scène, que l’on se laisse prendre par la « comédie triviale pour gens sérieux » qui se déroule sous nos yeux.
On a dit plus haut les mérites du jeune chef Tito Muñoz ; il faut tout autant saluer un plateau remarquable d’homogénéité et d’engagement. Philipp Addis campe un Algernon so british face au savoureux John Worthing de Chad Shelton. Paire aussi réussie que celle formée par Wendy Dawn Thomson et Ida Falk Winland, respectivement Gwendolen et Cecily. En Lady Bracknell, la basse Alan Ewing se délecte d’un personnage haut en couleur, hommasse raide comme la justice et germanophile (Barry lui a confié un air sur l’Ode à la joie de Schiller). Dans des rôles plus modestes, Diane Montague (Miss Prism), Jose Luis Barreto (Lane) et Steven Beard (Chasuble) dessinent leurs personnages respectifs avec beaucoup de piquant. Un coup de chapeau enfin aux membres du Chœur de l’Opéra national de Lorraine, très impliqués dans la mise en scène virtuose de Sam Brown.
Alain Cochard
G. Barry : L’Importance d’être constant (création mondiale en version scénique) – Opéra national de Lorraine – Nancy, le 17 mars, puis les 19, 20, 21 & 22 mars 2013 / www.opera-national-lorraine.fr
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