Avant le lancement, le 14 mai, d'une nouvelle édition du Paris des Orgues dont les têtes d'affiche sont pour l'essentiel les musiciens d'ores et déjà les plus en vue de la jeune génération, Concertclassic a demandé à Benjamin François, producteur à France Musique et directeur artistique du Festival, de retracer les axes majeurs de la programmation 2013.

L’association dont vous assurez la direction artistique, Le Paris des Orgues, s’engage dans la deuxième édition d’un festival d’orgue à Paris, du 14 mai au 10 juin 2013.

Benjamin François : Oui, le mot « engagement » n’est pas trop fort ! Avec l’aide d’une poignée de passionnés de l’association Le Paris des orgues sous la houlette de son président Jean-François Guipont [cf. Découverte du 15 avril 2011], mais aussi de la Ville de Paris, de la SPEDIDAM et de Musique Nouvelle en Liberté, nous allons porter haut les couleurs de l’orgue dans Paris. Du 14 mai au 10 juin, huit hauts lieux patrimoniaux (La Madeleine, Saint-Etienne-du-Mont, Saint-Louis-en-l’Île, la Cathédrale américaine, Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux et quelques autres) résonneront à pleins tubes du talent de cette nouvelle génération d’organistes en laquelle nous plaçons nos espoirs. Cela ne se sait pas assez, l’école d’orgue française est l'une des plus formidables au monde, unanimement appréciée pour l’excellence de ses interprétations et improvisations.

En plaçant cette deuxième édition sous le signe du talent et de la jeunesse, je désire envoyer un signal fort à tous ceux qui pensent que l’orgue est un instrument du passé. Bien au contraire, il n’a jamais été aussi vivant : Thomas Ospital, John Walthausen, Yoann Tardivel, Virgile Monin et Olivier Wyrwas, pas encore trentenaires, tous solistes confirmés et jeunes artistes ancrés pleinement dans leur époque (si vous saviez, ils sont aussi des pros des réseaux sociaux !) nous ont concocté de passionnants programmes qui, tous, réservent une place de choix à la musique de notre temps. L’œuvre la plus récente date par exemple de 2012, il s’agit de Ciel éternel de Jean-Baptiste Robin. L’orgue est un instrument qui attire les jeunes compositeurs de par ses possibilités sonores illimitées. Il est de notre devoir de faire connaître ce nouveau répertoire ancrant le roi des instruments en plein XXIe siècle. Il sera formidablement représenté dans cette édition par Valéry Aubertin, Rolande Falcinelli, Jean-Louis Florentz, Thomas Lacôte, Benoît Mernier, Michael Radulescu, Jean-Baptiste Robin et Grégoire Rolland (le benjamin de nos compositeurs, né en 1989 !).

J’imagine que vous avez pensé aussi aux compositeurs plus classiques… ?

B. F. : Bien évidemment. Pour aider l’instrument à tuyaux à franchir un nouveau cap, nous désirons le métisser avec d’autres arts. Justement, deux concerts phares du Festival illustrent cette idée : un concert-lecture tout d’abord – qui aura lieu le 23 mai prochain à Saint-Étienne-du-Mont en hommage à notre regrettée Marie-Claire Alain, disparue le 26 février dernier, et à son frère Jehan. J’ai imaginé un dialogue par-delà les années entre frère et sœur, mettant en perspective l’exceptionnelle correspondance de Jehan. C’est un spectacle assez original, émotionnellement très fort, émaillé de la musique – vocale notamment – de Vierne, Ravel, Dupré, Robin et bien sûr Jehan Alain, excellemment jouée par Jean-Baptiste Robin ! Dans un genre complètement différent, nous ouvrons le Festival à la Cathédrale américaine le 14 mai, où Thierry Escaich – à l’immense talent d’improvisateur – se laissera inspirer par le film L’Aurore (1927) de Murnau et renouera avec le glorieux passé de l’orgue du Gaumont-Palace à Paris.

Enfin, la solidarité ne sera pas absente de cette édition avec un grand concert à Saint-Sulpice – en partenariat avec l’AROSS – en hommage à Albert Schweitzer, avec Daniel Roth, Vincent Warnier, Daniel Leininger et Pierre François Dub-Attenti. Ce concert sera précédé d’une conférence à 18 heures à la Mairie du 6ème Arrondissement, par Jean-Paul Sorg, président honoraire des Amis d’Albert Schweitzer, sur A. Schweitzer, un musicien à Paris. Bach, Widor, Franck et Mendelssohn, pour répondre à votre question sur les classiques, seront au programme de ce concert exceptionnel. La participation libre de chacun sera intégralement reversée à l’hôpital de Lambaréné (Gabon).

Et la musique ancienne ? À part quelques notables exceptions (Saint-Louis en l’Île, cinq orgues Kern et quelques autres), le parc d’instruments parisiens permet de la jouer, mais sur des instruments pas toujours idiomatiques…

B. F. : Trois des concerts de nos jeunes talents font la part belle à la musique ancienne : deux concerts auront lieu à Saint-Louis-en-l’Île (18 mai et concert de clôture, le 10 juin) avec Buxtehude, Bach et Lübeck par John Walthausen, brillant lauréat du concours international de Béthune en 2012 ; puis Bach, Händel et Buxtehude par Paul Goussot, lauréat du Concours de Bruges et 1er Prix d’improvisation au Concours international de Luxembourg. Paul se livrera aussi à l’une de ses spécialités : improviser une Suite en style classique français. Également, nous offrons la chance à un immense jeune talent, Olivier Wyrwas, étudiant en clavecin et en orgue à la Schola Cantorum de Bâle, de se produire pour la première fois à Paris dans Muffat, Sweelinck, Grigny et Bach (le 4 juin, à Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux).

Vous voyez que l’éclectisme est au rendez-vous de cette 2ème édition qui souhaite non pas surcharger une offre en concerts d’orgue déjà impressionnante dans notre capitale, mais bien plus fédérer des énergies, proposer des pistes artistiques alternatives et inédites afin que Paris mérite vraiment son titre de capitale mondiale des orgues. Soit dit en passant, nous préparons activement la venue de toute une escouade de jeunes danseurs belges pour le projet HipOrgues, porté par l’organiste belge Serge Schonbroodt, métissage entre orgue classique et danse hip-hop, et nous continuons régulièrement nos deux marathons annuels à la découverte du riche patrimoine des orgues parisiens. Les deux prochains auront lieu le 5 mai et, pour les Journées du Patrimoine, en septembre 2013. Enfin, deux concerts de ce festival 2013 (Virgile Monin le 30 mai à Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours et Olivier Wyrwas aux Blancs-Manteaux) seront enregistrés par France Musique.

Propos recueillis par Michel Roubinet, le 21 avril 2013

Sites Internet :

Festival « Le Paris les Orgues »
Du 10 mai au 14 juin 2013

Le Paris des Orgues
http://www.leparisdesorgues.fr

Programme du Festival 2013
http://s432223733.siteweb-initial.fr/rendez-vous/2013/

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Photo : DR