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Attila de Verdi à l’Opéra Royal de Wallonie - Le Roi des Huns domestiqué - Compte-rendu

Plus que quelques mois avant la fin du bicentenaire de Verdi ! Les théâtres d’opéra rivalisent d’ingéniosité, et, parmi eux, Liège s’est habilement positionné, misant sur un titre qui, sans être méconnu, ne compte pas parmi les plus rabâchés (Attila n‘est pas entré au répertoire du Met de New York, par exemple, avant 2010). Pour l’auditeur, l’ouvrage, bref, mais regorgeant de morceaux électrisants, qui s’enchaînent avec une rapidité presque excessive, est un cadeau ; pour un chef d’orchestre et un metteur en scène, confrontés à une partition éminemment elliptique et à une fin bâclée, beaucoup moins !

Lors de la première liégeoise, la direction de Renato Palumbo, à la tête d’un orchestre wallon assez paresseux, ne trouvait vraiment ses marques qu’à l’occasion des (rares !) pages contemplatives : si les larges cantilènes de l’Acte I et le superbe trio du III étaient rendus avec émotion, au fil de tempi assez lents, la frénétique succession de climats du Prologue et les traits du Finale II manquaient passablement de nervosité. Ruggero Raimondi, qui signait ici sa sixième mise en scène - et a par ailleurs été un interprète marquant du rôle-titre (il l’a enregistré chez Philips, sous la direction de Gardelli) -, n’a pas non plus opté pour une lecture très saillante, se bornant à une sage illustration, se pliant à tous les poncifs du péplum - cuirasses rutilantes, salut à la romaine, bardes touchant leur harpe, poignards brandis et apartés sardoniques inclus.

Le décor modulable de Daniel Bianco (de monumentales bases de colonnes, ornées de bas-reliefs représentant des batailles de style hellénistique, cernant un large escalier) et les éclairages expressionnistes, évoquant Goya, d’Albert Faura ménagent en revanche quelques visions fortes. Mais l’usage qui a été fait de la toute nouvelle machinerie de scène (entièrement automatisée) n’apparaît guère habile : lors du tableau le plus évocateur (l’apparition en chair et en os du pape Léon, dont Attila vient de rêver), le plateau se voit d’abord divisé en deux dans le sens de la hauteur, de telle sorte qu’il n’existe plus aucune réelle confrontation, interaction visuelle entre Léon et Attila et qu’au lieu de s’ouvrir, l’espace confiné de la chambre du roi commence au contraire par se rétrécir – ce qui contredit l’ample mouvement de ce fabuleux finale.

Si la réalisation scénique déçoit, la distribution réserve en revanche bien des satisfactions – ce qui, eu égard aux exigences de cette partition de jeunesse (1846), n’est pas un mince exploit ! Certes, le timbre métallique et l’italien fermé de la Géorgienne Makvala Aspanidze n’ont rien de très agréable : mais la dame se confronte crânement à la plus meurtrière entrée jamais écrite par Verdi pour l’une de ses héroïnes, dont elle assume les deux octaves et le contre-ut dardé et, malgré quelques raideurs, rend aussi justice aux trilles de la sublime romance de l’Acte I. Certes aussi, son soupirant, le ténor albanais Giuseppe Gipali, ne possède encore qu’un format modeste et une palette limitée de couleurs, mais les aigus de ce Foresto suffisent à combler d’aise le public.

Beaucoup plus fouillé s’avère l’Attila de Michele Pertusi, qui, à ce stade de sa carrière, passe naturellement des rôles rossiniens à ce répertoire verdien dont il affiche désormais l’ampleur, le phrasé, le charisme et l’ambitus – manque juste encore un soupçon d’alacrité dans la cabalette (précisons que le chef a tenu - ô joie ! - à préserver, dans son édition, toutes les reprises prévues par Verdi, ce qui exige bien de l’endurance de la part des chanteurs). Le grand triomphateur de la soirée reste le magnifique baryton Giovanni Meoni, récemment applaudi en Macbeth (à Nancy, notamment), qui par la grâce d’un timbre clair, superbement projeté, d’un chant élégant, châtié et fier nous rendrait presque sympathique ce traître d’Ezio, il est vrai gratifié d’une flatteuse partie vocale (Verdi a toujours chouchouté ses barytons). Un fort bon Uldino (Papuna Tchuradze) et un Leone insuffisant, ou mal traité par la scénographie (Pierre Gathier) complètent ce casting, dont on ne sait pas encore s’il participera à la reprise monégasque du spectacle, en 2014…

Olivier Rouvière

Verdi : Attila – Liège, Opéra Royal de Wallonie, 20 septembre, prochaines représentations les 24, 26 et 28 septembre 2013 / Retransmission en direct sur Culturebox, le 24 septembre à 20h.

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Photo : DR
 

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