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Galop et cravache, le tandem Minkowski-Pelly s’empare de La Grande-Duchesse de Gérolstein
Stupeur, le rideau se lève après toute la ferblanterie de l’ouverture (ou aurait cru une batterie de cuisine roulant au carreau), sur un champs de morts. Mais après quelques minutes de doutes, un troufion se relève et réveille la compagnie en débouchant un flacon. Morts, oui, mais ivres morts. Pelly n’a pas comme dans la Belle Hélène multiplié les tics de patronage qui font le charme de ses mises en scènes moins superficielles qu’on le croit (tout juste au II nous ressort-il ses touristes, mais ils ne sont que trois), pourtant cette allusion à Verdun, avec tranchées incluses, n’est pas du meilleur goût.
Tout le I peine avec sa quincaillerie militaire, et Minkowski ne fait pas dans le léger, sortant l’artillerie et donnant la mitraille à des tempos déjantés, suive qui peut. Mais trop c’est trop Ce qui a terriblement vieilli dans cette Grande-Duchesse c’est la parodie militaire, et l’orchestre d’Offenbach, même rendu aux instruments romantiques y sonne avec une lourdeur et un bruyant assommant. Il faudrait alléger au maximum, respirer aussi. Respirer c’est justement ce que fait Felicity Lott dès son entrée. Offenbach l’accompagne sur un rythme de boléro qui pourrait être un peu plus souple encore, mais Minkowski ne relâche pas la pression. L’acte I l’ennuie, c’est visible (et il nous ennuie aussi, par voie de conséquence), il faut passer dessus au plus vite, l’œuvre est ailleurs, surtout avec les réemplois et augmentations dont Keck a paré les deux autres actes.
La musique est alors d’une qualité toute autre, et aurait permis de dessiner un portrait plus amère d’une Grande-Duchesse que Lott commence blasée puis excitée par Fritz. Mais la Grande-Duchesse, c’est une vérité que cette nouvelle version ne dément pas, est bête et méchante, et Lott ne résiste pas à lui donner un peu trop de subtilité. On peine à croire qu’elle aurait jusqu’à sa rencontre avec Fritz avalé des cohortes de généraux, c’est plutôt le portrait d’une veille fille travaillée par ses derniers désirs (hors dans le livret la protagoniste est censée avoir dix-sept ans, pas assez pour être dévergondée – quoi que – trop peu pour connaître un retour de flammes). Etrange, cette ambivalence. On ne comprend pas très bien où va le personnage.
Le II contient des morceaux d’anthologie, mais souvent, sinon pour le chœur de l’endormissement, Minkowski ne contient pas assez son orchestre, et les chœurs, constamment forte, agacent. Le final ironique du II, avec son coté bal des vampires (Le carillon de ma grand-mère) aurait gagné à être plus inquiétant et moins déchaîné, car le visage romantique d’Offenbach y apparaît soudain. C’était une porte par laquelle il fallait pénétrer le cœur secret de l’œuvre, que l’on peut sauver des oripeaux de l’Opéra bouffe.
La virtuosité de Pelly éclate comme toujours dans les finals, enfin surtout celle de sa chorégraphe, Laura Scozzi. Le galop qui joint les deux tableaux du III est l’occasion d’un numéro irrésistible devant le rideau dont on ne vous dévoilera rien. Pelly a su ménager dans le II des changements d’atmosphères assez saisissant visuellement, le trio des conspirateurs, la « bénédiction » des poignards (et autres fouets de cuisine), qui tire la langue à un célèbre ensemble des Huguenots de Meyerbeer, mais là encore le geste de Minkowski n’est pas assez souple.
Le duo Boum-Puck (Le Roux et Leguerinel) est impayable, on en comprend chaque mot comme ceux de Lott. Mais du joli ténor de Bernard Richter, Fritz beau gosse au possible, de sa Wanda, Sandrine Piau, on ne saisissait pas une syllabe. Le spectacle n’en était qu’à sa septième représentation, des années ont patiné la Belle Hélène, il serait dommage que le disque ou le DVD saisissent si tôt une production encore trop excitée par sa jeunesse. L’hystérie globale doit se décanter et laisser l’œuvre dévoiler ses nombreux charmes décidément trop violentés en cette soirée.
Jean-Charles Hoffelé
La Grande-Duchesse de Gérolstein de Jacques Offenbach, Théâtre du Châtelet le 12 octobre 2004 et jusqu’au 2 janvier 2005
Jean-Charles Hoffelé
Photo: M. N. Robert
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