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Paris - Compte-rendu - A la verticale, reprise de la production de la Damnation de Faust selon Robert Lepage
Munissez-vous de crampons et n’oubliez pas de fermer vos mousquetons. Robert Lepage bénéficie toujours de son dispositif inamovible qui donne un certain confort aux chanteurs tenus sur le proscénium ce qui à la Bastille est un avantage, mais il en paye aussi le prix. A la première de cette reprise (en fait seulement la huitième représentation de cette production) le spectacle n’était pas encore réglé, les machinistes assez excités parlaient haut et fort derrière la structure à quatre niveaux qu’on croirait volée à Notre Dame du Travail, quelques télescopages de diables encuirés durent faire des dégâts (on ne sort pas indemne d’un coup de Caterpillar dans le nez, même sous la protection de Satan).
Tout cela retrouvera ses marques rapidement. Mais il y avait de quoi être perdu en régie, car les tempos de Mark Elder, lentissimes, étaient à l’opposé de ceux, enflammés, produits par Ozawa. Les chanteurs aussi souffrirent : Larmore, exemplaire de beau chant, parce que sa Marguerite intense n’était jamais soutenue par l’orchestre ; Paul Groves, visiblement fatigué par une longue saison où Paris et Berlioz l’ont beaucoup sollicité, n’avait plus ses aigus et son médium même s’affadissait, sa ligne de chant craquait, mais là encore, le tempo du double trop lent aurait suffit à le mettre en danger. On attendait beaucoup de Ramey, Docteur en Diableries. Mais non, il fut somptueusement à contre emploi : ce Méphisto est pour Boito, pour Gounod, le diable sarcastique, ironique, hautain, littéraire de Berlioz lui échappe complètement.
Sinon le spectacle continuera à partager : nous nous y asphyxions, demandant des paysages, des contre-champ, des arrières plans, certains l’aiment farouchement, malgré ses générations de Christ en croix spontanées et son paradis Saint-sulpicien du final. Ce sera à vous de voir, mais si par chance vous vous trouvez assis derrière le chef n’hésitez pas à lui souffler « plus vite maestro » et à lui signaler que la partition que tourne devant toute la salle le petit chœur d’alizés au cours de l’introduction n’est pas celle que l’on joue, mais sa sœur cadette, les Huit Scènes de Faust. Pour une fois qu’on pouvait lire la musique à l’Opéra, ce n’était pas la bonne. Damned !
Jean-Charles Hoffelé
Première de la Damnation de Faust d’Hector Berlioz à l’Opéra de Bastille, le 24 mai 2004, également les 27 et 30 mai, les 2, 4, 7 et 10 juin.
Photo : DR
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