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Londres - Compte-rendu - Sans rémission, reprise du Peter Grimes de Willy Decker au Covent Garden de Londres
La Monnaie de Bruxelles avait remonté voici quelques mois la mise en scène implacable de Willy Decker qui devait retourner à Londres, son second port d’attache, et retrouver le Grimes de Ben Heppner. Impossible de ne pas déceler l’aigu raccourci, les panes de passage de registres qui grèvent désormais la voix de ce ténor hors normes. Malgré ces pailles le personnage de Grimes continue de lui coller à la peau, et son physique impressionnant suffit à déclancher la terreur chez l’apprenti.
Moins ambivalent dans son rapport à l’enfant, incapable de lui manifester la moindre tendresse contrairement à Michael Myers durant la reprise de la Monnaie, Heppner donne de Grimes l’image d’un fou homicide que Britten n’aurait certainement pas avalisée. Reste que la performance est saisissante. Réchappées de Bruxelles, Anne Collins et Sarah Walker toutes deux en grande voix reprenaient avec toujours autant de verve leur Auntie et Mrs. Sedley désormais incontournables. Alan Opie découvrait encore après tant d’années de fréquentation autant de perspectives éclairantes à dévoiler dans le personnage trouble de Balstrode, aidé par l’Ellen Orford étrangement ambivalente de Janice Watson dont le soprano s’étoffe d’année en année. Son Ellen n’est plus l’ange de candeur qu’y dessinait la regrettée Suzanne Chilcott, disparue l’année dernière à quarante ans et à laquelle cette série de représentation était dédiée. Elle participe à perdre Grimes, le fait jouer contre lui-même en lui livrant l’enfant.
Des seconds rôles croqués d’un trait infaillible comme autant de vraies natures, où brille le Swallow parfait de Matthew Best, forment une compagnie de chant cimentée au chœur, cette masse omniprésente qui comme si souvent chez Decker incarne le danger absolu. Le grand plan très incliné avec ses trois panneaux noyés dans une tempête de gris et de noirs qui ouvrent et referment l’espace avec une redoutable efficacité permet à Decker d’augmenter encore la puissance d’impact du chœur, laissant Grimes toujours plus isolé et menacé.
Reconduite à l’univers de Crabbe avec ses robes noires et ses suroîts râpés, l’omniprésence de la religion, l’œuvre aurait du d’autant plus facilement évoquer l’élément marin, consanguin à Peter Grimes autant qu’à Billy Budd. C’était sans compter avec la direction à la serpe d’Antonio Pappano, moderniste, âpre sans réelle pouvoir d’abrasion, vulgaire pour tout dire, appuyant avec ostentation le moindre passage vaguement sentimental (et ils ne sont chez Britten que des accidents bien masqués, des repentirs qui demandent une certaine perversité à qui veut les exposer en plein jour).
Tout le reste en couleurs crues, acides, avec un orchestre bruyant. On s’ennuyait ferme durant les interludes marins, un comble que venait racheter toute une troupe en osmose avec la mise en abîme révélatrice que proposait Decker. Le spectacle a dix ans, mais grâce à l’attention du metteur en scène et de François de Carpentries, il n’avoue pas son âge, mieux, il s’impose comme la production par excellence de Peter Grimes.
Jean-Charles Hoffelé Peter Grimes de Benjamin Britten, Royal Covent Garden de Londres, le 3 juillet 2004
Portfolio de mise en scène (5 photos)
Photo: DR
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