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Paris - Compte-rendu - Etape parisienne réussie pour la lecture de référence du Tour d’écrou
Le spectacle de Luc Bondy augmente sa puissance à chaque fois qu’on y assiste. Revu voici trois mois à La Monnaie de Bruxelles, visionné dans la captation de Vincent Bataillon réalisée lors des premières représentations aixoises, cette réussite quasiment parfaite est le fruit d’une équipe qui en cinq ans n’a pas bougée.
On ne reviendra pas sur l’anglais exotique de Mireille Delunsch sinon pour remarquer qu’à mesure on oublie les diphtongues défaillants pour entendre le grain des notes, autrement coloré au Champs-Elysées qu’à la Monnaie où la voix avait paru fatiguée. Le miracle de cette incarnation, où pas une couture ne se laisse deviner, démontre avec quelle abnégation Delunsch suit les volontés de Bondy, épousant un personnage torturé antinomique avec son physique rayonnant. Marlin Miller est le Quint de notre temps, offrant une palette d’intonations changeantes qui varient l’éclairage porté sur un des caractères les plus troubles jamais illustré par Britten.
Les scènes avec le Miles d’Adam Berman, une réplique de celui de David Hemmings, étaient chargées d’un érotisme plus intense encore qu’avec Ravi Shah à la Monnaie, mais nous gardons une préférence pour la silhouette fluette et le jeu plus torturé du second. Aucun éloge supplémentaire à rajouter aux incarnations de Marie MacLaughlin, d’Hanna Schaer ou d’Olivier Dumait : pourra-t-on envisager le Tour d’écrou sans eux désormais ? On avait oublié que la création française s’était tenue sur les planches du Théâtre des Champs Elysées en 1956. Britten y avait dirigé la production pensée pour La Fenice et reprise à Aldeburgh. Dans la fosse Daniel Harding retrouvait la direction acérée, implacable que le compositeur appliquait à son œuvre la plus parfaite.
Rarement l’engrenage dramatique comme émotif de cette partition diabolique aura atteint un tel degré d’intensité. Même comparé à ses captations pour le CD ou le DVD, Harding semble avoir franchi dans sa compréhension intime du Tour d’écrou un point de non retour. Les futurs spectateurs des représentations aixoises seront décidément chanceux.
Jean-Charles Hoffelé
Benjamin Britten, Le Tour d’écrou, Théâtre des Champs-Elysées le 11 juin 2005, puis à Aix en Provence, Théâtre de l’Archevêché, les 10, 12, 15, 17, 21, 24 juillet.
Photo: Elisabeth Carecchio
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