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La Bohème à la Bastille. Le couple de l’année ?
Oui, Olga Guryakova s’est déjà confrontée à la dramaturgie délicate du personnage de Mimi, mais Paris la découvrait dans ce rôle, et on espérait beaucoup de la soprano russe après ses Rusalka frémissantes. La vocalité n’est pas idéalement italienne, mais cette Mimi pudique, élégante, force l’admiration par son art de la composition et l’on gardera longtemps le souvenir de cette mort endormie dans des pianissimos nacrés.
Car si Guryakova ne possède pas le legato absolu réclamé par Puccini, elle dispose d’une palette de couleurs et de sentiments guère entendue depuis Freni. Rien pourtant d’ostentatoire, aucune coquetterie, mais un chant pessimiste, d’une tenue hautaine. L’actrice est faramineuse, et Villazon ne lui cédait en rien, avec son intelligence de la scène, et son jeu si percutant. Il était presque impossible de le regarder durant le dernier tableau. Le ténor mexicain n’a pas la plus grande voix du monde, et il peine à emplir Bastille, mais elle est si idéalement centrée, sa projection si parfaitement conduite, sa diction si nette que le défaut de volume s’en trouve naturellement compensé.
Le Marcello de Frank Ferrari est un model, baryton ample, avec un médium lyrique percutant, et le comédien a fait des progrès ces dernières saisons. L’autre révélation de la soirée fut la Musette d’Elena Semenova, physique éclatant et voix au zénith : enfin une colorature qui dispose d’un grand soprano, presque plus puissant encore que celui de Guryakova. Bastille l’annonce dans le rôle-titre de la Juliette de Martinu, elle a toutes les qualités, vocales comme scéniques, qu’exige le rôle.
En fosse, Daniel Oren ne renouvelle pas le miracle d’électricité et de finesse que produisait Daniel Klajner lors de la dernière reprise de ce spectacle simple et cette fois passionnément habité par la troupe. Du moins dirige-t-il pour les chanteurs. Si vous décidez de revoir cette production vous n’y entendrez pas Guryakova, nous étions à sa dernière, mais plutôt que Mescheriakova dont la justesse est maintenant trop incertaine, découvrez la jeune chilienne Angela Marambio, dont la Mimi a déjà fait les beaux soirs de l’Opéra de Munich.
Jean-Charles Hoffelé
Giacomo Puccini, La Bohème, Opéra Bastille le 13 octobre 2005, puis les 19, 21, 22, 25, 26, 29 et les 1er et 4 novembre.
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Photo : Eric Mahoudeau/Opéra de Paris
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