Journal
Paris - Compte-rendu : le contre-ténor Bejun Metha au Châtelet
Le jeune contre-ténor Bejun Mehta inaugurait la série « Récitals » proposée par le Théâtre du Châtelet (1). Entendu plusieurs fois sur scène dans Mitridate en 2000 où il tenait le rôle de Farnace, puis en 2001 dans l’inoubliable production scénique des Trois sœurs de Peter Eötvös, dans laquelle il campait une captivante Macha, sans oublier une version de concert de Tamerlano avec Rousset en 2005 ou encore sa prestation remarquée dans le Giulio Cesare de Haendel en 2002, Bejun Mehta ne s’était pas encore présenté seul au public dans la nudité et le dépouillement du récital.
Cet exercice ne lui est pas inconnu, puisque sa carrière lyrique est entrecoupée de rendez-vous réguliers avec la mélodie, pour laquelle il a très tôt reçu les encouragements de Marilyn Horne. Il faut admettre que son sérieux, sa musicalité, sa voix souple et d’une belle rondeur s’y prêtent. Débuté avec Mozart dont il respecte les couleurs, dépeint très rapidement les climats et différencie les « voix », des narrateurs, avec l’ambiguïté même de son timbre androgyne, ses interprétations manquent cependant d’une certaine liberté dans l’émission et gagneraient à être prononcées avec plus d’attention (dans la précipitation les mots de Die kleine Spinnerin sont mangés).
L’instrument parfois pointu du chanteur pourrait nuire aux atmosphères délicatement feutrées de Schubert ; mais Bejun Mehta nuance, exprime et colore avec suffisamment d’adresse pour éviter cet écueil, à la différence de bien des confrères, David Daniels en tête. Celui-ci ne fait dans la simplicité en s’attaquant par la suite aux miniatures de Hugo Wolf, dont l’univers demande des trésors de raffinement psychologique et des prodiges de technique. Là encore, son approche n’est pas dénuée de sensibilité (Auch kleine Dinge), mais sa voix lisse et bien posée reste à la surface, comme retenue, refusant de creuser sous les notes.
Reconnaissons qu’il n’est guère aidé par l’accompagnement squelettique de son pianiste, Kevin Murphy. Quelques pages de Ralph Vaughan Williams, Roger Quilter (superbe It was a lover and his lass sur des vers de Shakespeare) et Gerald Finzi, en langue anglaise, venaient compléter ce récital exigeant mais un rien austère, composé de manière maladroite. Très réceptif et concentré, le public espérait entendre Bejun Mehta dans un air virtuose avant ce premier et unique bis échevelé, dans lequel le chanteur a soulevé l’enthousiasme grâce à l’agilité de ses vocalises. Pour quelles raisons n’a-t-il pas ponctué son programme (clos par un émouvant At the river de Aaron Copland, chanté a cappella) d’airs d’opéras ou de concert dans lesquels il aurait brillé et qui auraient enchantés l’auditoire ? Savoir composer un récital est décidément tout un art.
François Lesueur
18 octobre 2006 – Théâtre du Châtelet
(1) prochains concerts de la série : Dame Felicity Lott (12 déc.), Ian Bostridge (23 janvier), Barbara Bonney (5 avril), Grace Bumbry (23 mai)
Photo : DR
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