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Paris - Compte-rendu : Les Troyens à la Bastille, la Guerre de Troie est perdue
On espérait peut-être trop de cette venue du spectacle d’Herbert Wernicke qui fit les belles soirées de Salzbourg. Déception totale hélas : ce décor unique pour les cinq actes, conque de mur blanc percée d’une faille qui fait embouteillage pour les mouvements de foule signifie certainement, mais elle est d’abord un pis aller. Ces débauches de Kalachnikov, cet avion dégommé, les images de bombardement copieusement projetées durant l’étreinte du couple royal alors que se déroulent la chasse puis l’orage avouent une indigence déconcertante venant de la part d’un metteur en scène de la classe de Wernicke.
Depuis Salzbourg cette production s’est vidée de ce qui faisait sa substance : une direction d’acteur éclairante que Tine Buyse n’a guère repris à son compte. Chacun est planté là et fait ce qu’il peut, le pire étant une Anna (Elena Zaremba) qui cabotine, et le meilleur la Didon noble d’Yvonne Naef ou l’Ascagne virevoltant de Gaële Le Roi où passe le souvenir de Chérubin. Cette débâcle du spectacle s’accompagne hélas d’une certaine déconfiture musicale dont rien n’est imputable à l’orchestre tenu et reinterprété par Sylvain Cambreling, qui aime visiblement ses Troyens.
Jeanne-Michèle Charbonnet hurle mais sa voix mal placée ne porte pas, John Ketilsson n’a aucun des aigus d’Enée et son chant syllabique est d’un balourd, tout comme sa présence scénique, Yvonne Naef elle sauve la représentation par la noblesse de son interprétation et un suicide finale hallucinant de réalisme. Elle est, parmi les protagonistes de premier plan la seule dont on comprenne le français, les autres ayant somptueusement ignoré le fait que Berlioz, prenant ses leçons dans la prosodie gluckiste, voulait que chaque mot de son livret soit entendu. Mais la distribution des seconds rôles réservait bien des bonheurs : étonnant Iopas d’Eric Cutler, jeune ténor américain au timbre assez quelconque mais au bel canto saisissant, bel Hylas du joli Bernard Richter, assez formidable Chorèbe de Franck Ferrari un peu gêné au grave de sa tessiture, parfait Fantôme d’Hector de Philippe Fourcade, Testé idéal en Panthée puis en Mercure, et surtout le Narbal à la diction impeccable et à la vraie voix de basse de Kwangchul Youn, qui donnait des leçons de prononciations à tous ses collègues.
Il est probable que l’autre distribution retrouvera le sens premier de la mise en scène de Wernicke : Debohra Polaski et Jon Villars étaient les protagonistes des représentations salzbourgeoises. Mais un doute subsiste : après la révolution conduite par Gardiner au Châtelet qu’accompagnait le spectacle plus évocateur de Yannis Kokkos, peut-on encore entendre et voir les Troyens autrement ?
Jean-Charles Hoffelé
Les Troyens, d’Hector Berlioz, Opéra Bastille le 17 octobre, puis les 24, 28 octobre puis les 1er,4, 9 et 14 novembre
Programme détaillé de l’Opéra Bastille
Photo : Eric Mahoudeau/Opéra de Paris
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