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Paris - Compte-rendu : les Contes d'Hoffmann ?
Etrange comme certaines distributions peuvent laisser dubitatif. On allait à cette reprise des Contes selon Carsen pour y entendre Rolando Villazon, avec encore le souvenir des ultimes reprises défigurées par le vilain chant de Neil Shicoff, et voici qu’un comprimari, Nathanaël, nous tire l’oreille : ce français parfait, cette élocution si franche, ce grand ténor ouvert et sonore mais toujours habillement timbré, mais il devrait bien sûr chanter Hoffmann, en place d’un Villazon qui lui ne passe pas la rampe de la Bastille et peine toujours autant avec notre langue. Coup d’œil, Jason Bridges, le Nathanaël en question, est un élève de Nicolaï Gedda. Tout s’explique…Ceci dit, Villazon reste à sa manière formidable, acteur naturel, ténor corsé qui prend chaque jour un peu plus les tics de phonation de Domingo, son mentor…mais Hoffmann, vocalement sinon physiquement, l’épuise - et en possédera-t-il jamais le style ?
Pas de chance avec les femmes non plus, sinon avec la Giulietta grand teint et au français impeccable de Nancy Fabiola Herrera. Patricia Petibon, dans l’attente d’un heureux événement, retombe dans les errements de sa colorature et joue les scies musicales. Usant, détestable, mais bien dans la méchante couleur de comédie plutôt lourde dont Carsen par facilité affuble le premier acte. Quand à la voix élimée d’Anette Dasch elle massacre simplement Antonia, l’acte le plus abouti où Carsen fait se regarder le théâtre par le théâtre et monte une mécanique implacable. Joli retour des fauteuils flottants de la courtisane au III, image subtilement réalisée mais dont au fond Carsen ne fait rien de bien percutant.
Le gagnant de la soirée fut Frank Ferrari, Lindorf sulfureux, Coppelius déjanté jusque dans le contrôle, Dr Miracle grand ordonnateur de l’au-delà, puis Dappertutto transformé en metteur en scène que Carsen fait passer de l’autre coté du miroir. Le baryton triomphe même de la tessiture qu’on croyait trop tendue pour lui de « scintille diamant ». Chapeau bas, on n’avait pas entendu mieux depuis Bacquier. Comprimari divins : la mère si bien chantante de Marie-Paule Dotti, les valets de Homberger, le Spalanzani de Christian Jean, inusable, faisaient une kyrielle de silhouettes toutes plus épatantes les unes que les autres.
Direction faible de rythme, de couleur, d’entrain de Marc Piollet, plus impliqué dans l’acte d’Antonia. Si Villazon nous a déçu – mais l’acoustique ouverte de Bastille ne laisse que peu de chance à sa voix de rayonner – sa Muse nous a comblé. Avec les moyens vocaux que l’on sait et le français irréprochable qu’elle montre, Ekaterina Gubanova devrait rapidement devenir incontournable sur nos scènes nationales : on entend déjà sa Charlotte et même sa Carmen.
Jean-Charles Hoffelé
Les contes d’Hoffmann de Offenbach, Opéra Bastille, le 13 février.
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