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Paris - Compte-rendu : Pierre-Laurent Aimard : La passion du bel aujourd’hui
C’est une question que se posent de plus en plus souvent les interprètes comme les organisateurs de concerts : faut-il inventer de nouvelles formules pour diffuser plus efficacement la musique vivante ? Et bien, en voici une toute prête que propose au Palais Garnier notre merveilleux pianiste Pierre-Laurent Aimard (photo) sur une idée de Gérard Mortier. Ce disciple d’Olivier Messiaen et de son épouse Yvonne Loriod, invite pour une soirée une cantatrice dont les interventions sont agrémentées de pièces de musique de chambre confiées à des chefs de pupitre de l’Orchestre de l’Opéra de Paris. Inutile de préciser que les œuvres instrumentales et les mélodies doivent constituer un jeu de miroirs.
Le dernier en date de cette série, dont la vedette était la soprano Christine Schäfer, était un modèle de subtilité puisqu’il mêlait joyeusement Papa Haydn et le bien vivant George Crumb en passant par Mozart, Hugo Wolf, Anton Webern et Karlheinz Stockhausen. Plus d’un auditeur n’a pas vu d’emblée ce qui liait ce catalogue à la Prévert, mais Pierre-Laurent Aimard et sa diva, eux, si ! Quatre mélodies anglaises de Haydn en guise de mise en voix pour cette Pamina idéale sont suivies par une vraie curiosité confiée à quatre instrumentistes de l’Opéra et à deux grands prêtres de l’harmonica de verres, un « Adagio et Rondo, K.617 écrits comme en contrepoint à La Flûte enchantée et aux cantates maçonniques. Le mi bémol majeur et l’ut mineur de l’Adagio ne permettent pas le moindre doute à ce sujet. Mozart a été conquis par les sonorités mystiques, planantes de ces verres sonores qui l’inspirent.
Après l’entracte, on s’apercevra que le paysan mystique Stockhausen a subi la même fascination que Mozart pour cette verrerie où il entend l’harmonie des sphères et les solistes de l’Opéra sauront eux aussi exaltés la poésie que contient la suite Zodiac. Plus qu’un long discours, cette juxtaposition a suffi à rendre proche sans qu’elle mérite le préjugé de contemporain la musique de Stockhausen. Comme quoi, il faut toujours laisser la parole aux musiciens et à eux seuls, car eux seuls ont le pouvoir de convaincre le public.
De même, le gazouillis des cordes du piano effleurées, taquinées par les doigts experts d’Aimard dans Apparition de Crumb répondait aux sonorités voluptueuses des verres enchantés par Mozart ou Stockhausen. Catherine Schäfer, entre deux Traviata joua le jeu à la perfection des vocalises aux limites du silence de l’Américain poète et humoriste. Elle composa un bouquet de Lieder de Webern avant d’exalter la modernité d’Hugo Wolf poussée jusqu’aux portes de la folie. Dans ce voyage enchanté, elle trouva en Pierre-Laurent Aimard le chevalier servant le plus attentif et le plus intelligent.
Jacques Doucelin
Palais Garnier, 1 juillet 2007
(*) Prochains concerts de « La passion du chant selon P.L.Aimard » : le 30 septembre, avec le baryton Matthias Goerne, et le 18 novembre, avec la mezzo Yvonne Naef.
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